Faire connaître la Turquie et ses habitants avec les yeux d'une alsacienne qui y vit depuis 20 ans.
18 Juillet 2008
Lorsque j'ai découvert cette ville en septembre 2007, je ne pensais pas trouver autant d'intérêt et de plaisir à l'arpenter en tous sens. Elle était alors en pleine cure de jouvence et pourtant je la trouvais déjà attachante, séduisante.
Cette cité de plus de 100 000 habitants est située en Anatolie Centrale, à l'Est d'Ankara.
Tous les envahisseurs de l'Anatolie sont passés par là, des Hittites aux Mongols, entre temps les Perses, Alexandre le Grand, les Romains, les Byzantins, les Seldjoukides et j'en oublie. Tokat a tenu une place importante, située à la croisée de voies commmerciales.
Les communautés juives, arméniennes et grecques y étaient particulièrement représentées.
Son charme ne se découvre pas au premier abord. Une avenue interminable traverse la ville de part en part. D'un côté, un promontoire rocheux en haut duquel la fortereresse s'élève au-dessus de la vieille ville.
De nombreux monuments et habitations éveillent la curiosité. La medrese Gök, autrement dit l'école coranique bleue, par exemple. Construite en 1277, son nom évoque le ciel (gök), terme turc qui désigne le bleu et ici, la couleur des céramiques qui la composent.
Aujourd'hui, ce charmant bâtiment abrite un musée que je n'ai malheureusement pas eu le loisir de visiter cette fois-ci.
Tout proche, le taş han, ancien caravansérail et atelier ottoman ; je n'ai aucune peine à recréer dans mon imagination la vie qui devait l'animer du temps de sa splendeur.
Derrière cette bâtisse qui laisse rêveur, les ruelles abritent d'anciennes maisons ottomanes ainsi que des échoppes où l'artisanat local est bien représenté.
C'est surtout le cuivre qu'on travaille par ici mais également le yazma, cet art anatolien ancestral d'impression sur tissus à partir de pochoirs, de teintures et de tampons. Ce sont essentiellement des foulards et des nappes réalisées ainsi.
Là encore, j'aurais aimé passé bien plus de temps pour découvrir ces richesses.
Je grimpe doucement, traînant mon regard dans ces ruelles aux maisons ottomanes, où les enfants sont surpris de voir cette étrangère toute seule qui parle aussi leur langue et qui les fait rire.
Des femmes sont en train de préparer des dizaines de gözleme (pâte fine qui sera farcie au fromage, à la pomme de terre, à la viande par exemple, puis refermée sur elle-même telle une pizza calzone et cuite en quelques minutes à peine). On m'en prépare une au fromage à déguster immédiatement, brûlante, emballée dans du papier journal.
Eğlinize sağlık hanım efendiler
Il y a quelques mosquées intéressantes cachées çà et là dans la vieille ville. Et à côté de l'Ulu Camii, l'une d'entre elles située tout en haut, en direction de la citadelle, une place de jeux. Une voix cristalline s'élève derrière moi, je reste scotchée.
L'Ulu Camii et une vue intérieure - son architecture s'intègre dans la tradition locale
Un garçon d'une dizaine d'années à la voix d'or, perché sur son vélo et accompagné d'un copain ! J'en ai la chair de poule, les larmes me montent aux yeux, un gamin dont la voix mériterait d'être entendue par des spécialistes, des connaisseurs, une voix rare, un timbre, un ange vient de passer... J'ai échangé quelques paroles avec lui, pourquoi n'ai-je pas eu le réflexe de prendre ses coordonnées, même pas une photo... je m'en mords encore les doigts.
Après ce moment d'intense émotion, je redescends sur l'avenue principale pour découvrir Latifoğlu Konağı, demeure historique du XIXème siècle, une des plus belles en Turquie. Pas de chance, elle est fermée pour restauration... Après discussion, le responsable accepte toutefois de me laisser entrer et de me montrer une partie des pièces. Un vrai régal qui me donne encore plus envie de revenir à Tokat.
Cette maison mériterait un article à elle toute seule, une pure merveille !
De l'autre côté de l'avenue, un peu difficile à trouver, la maison d'Atatürk récemment restaurée et ouverte au public. Elle abrite un musée ethnographique depuis quelques mois à peine. Encore une belle construction typique, qui correspond à mes critères de beauté en la matière.
Un autre régal pour l'estomac cette fois, la spécialité locale, le Tokat kebabı à ne manquer sous aucun prétexte. C'est une brochette d'agneau et d'aubergine cuite à la verticale dans un four à bois.
Le jus de la viande arrose le légume et l'on rajoute en fin de cuisson tomates et poivrons... ainsi que de l'ail grillé servi en gousses, je me lèche encore les babines en évoquant ces moments...
Je dois absolument revenir dans cette ville au charme méconnu, où les touristes étrangers sont si rares, ce qui n'est pas fait pour me déplaire. Dans ces coins déjà reculés du pays, lorsqu'on ose aller à la découverte de ses richesses, quelle récompense !
J'y suis restée deux jours et cela ne m'a pas suffi pour dire. Les masseurs les plus réputés en Turquie viennent tous de Tokat, eux aussi je n'ai pas eu le temps de les voir... et de les tester.