Faire connaître la Turquie et ses habitants avec les yeux d'une alsacienne qui y vit depuis 20 ans.

Du bretzel au simit

Escale de la frégate Surcouf à Izmir

Article publié sur  http://www.lepetitjournal.com d'Istanbul  le 11 octobre 2023

Une élégante frégate de 125 m de long était amarrée dans le port d’Izmir du 6 au 10 octobre. Il s’agissait de la frégate Surcouf de la Marine Nationale française aux côtés de laquelle se trouvait le bâtiment de ravitaillement espagnol Patino, en escale dans la ville portuaire turque dans le cadre d’une mission maritime OTAN.

À bord du Surcouf, rencontre avec son commandant, le capitaine de vaisseau Jérôme Dubois.

Le capitaine de vaisseau Jérôme Dubois, commandant de la frégate Surcouf

LPJ Istanbul : Que nous vaut l'honneur de votre visite à Izmir ?

Commandant J. Dubois : Le Surcouf est intégré dans un groupe de bâtiments de l’OTAN, le Task Group 441.02, commandé par le commodore britannique Paul Stroude. C'est dans le cadre de ce déploiement que le Surcouf vient faire escale à Izmir, dans sa zone de déploiement.

 

LPJ Istanbul : Quels sont les objectifs et le programme de l’escale ?

Commandant J. Dubois : L’escale a un double objectif : le premier est de régénérer les marins et le bâtiment pour pouvoir durer à la mer. L’escale permet ainsi de faire le plein de gasoil et de vivres, mais aussi de réaliser divers entretiens.

Le deuxième objectif est de permettre le rayonnement OTAN et français à Izmir, pour manifester que la France, puissance d’équilibre, est un partenaire fiable et crédible, engagé dans la défense du droit international et de la liberté de circulation aérienne et maritime. La Turquie et la France sont des nations alliées au sein de l’OTAN depuis 1952.

L'habituel hommage au drapeau sur la frégate Surcouf au lever et au coucher du soleil

LPJ Istanbul : Pouvez nous parler un peu de Surcouf, non pas de Robert, le corsaire dont le nom est bien connu, mais du bâtiment ?

Commandant J. Dubois : Le Surcouf est une frégate de 4000 tonnes, particulièrement performante par ses capacités de discrétion et d’autonomie à la mer. Deuxième de la classe des frégates légères furtives (FLF) de type Lafayette qui comprend cinq exemplaires, ce programme avait marqué une rupture dans la construction navale par la recherche sans compromis de furtivité. 26 ans après son admission au service actif en 1997, le concept fait toujours référence et ses lignes modernes n’ont pas pris une ride. Sa signature équivalente radar (la taille de l'écho radar et la distance à laquelle le Surcouf est détecté) - est faible par rapport aux dimensions du bâtiment. Elle est équivalente à celle d’un gros chalutier et procure un avantage tactique significatif car elle permet de s'approcher plus près sans être contre-détecté. Ce résultat est permis par le dessin de la coque et l’emploi de matières composites qui minimisent la réflexion des ondes radar. 

Portrait du corsaire Robert Surcouf à bord de la frégate qui porte son nom

Mais inutile d’être discret vis-à-vis des radars si l’on peut être vu ou entendu de loin. Les capteurs optiques des avions et des satellites travaillant sur les contrastes de température, tout a été fait pour que les points chauds soient minimisés ; par exemple, les cheminées et les ventilations ont été étudiées pour diminuer la signature infrarouge du Surcouf. Sa signature acoustique est également maîtrisée pour rester discrète vis-à-vis des capteurs sous-marins. La discrétion dans tous les champs, y compris immatériels comme Internet, est un enjeu de supériorité tactique.

Dans les entrailles de la frégate Surcouf

Le bâtiment dispose par ailleurs d'un radar de veille surface et air V15 et d’un système de guerre électronique ABR21 couplé à un lance-leurres Dagaie. L’ARBR21 permet d’analyser les ondes électromagnétiques provenant d’émetteurs comme les radars d’avion, de navires, ou les autodirecteurs de missiles. Un émetteur radar ou acoustique a toujours une signature ; en analysant cette signature, on parvient à identifier l'émetteur. Le bâtiment dispose également d’une caméra optique. Tous ces équipements, appelés senseurs, permettent de détecter et de classifier les mobiles environnant. L’hélicoptère Panther de la 36 F vient compléter ces capacités en éclairant l’avant de la force avec son radar et sa caméra infrarouge. Il reporte au bâtiment tout ce qu’il perçoit en temps réel par liaison de données.

Sur la frégate Surcouf

Du côté des effecteurs, le Surcouf dispose d’un canon de 100 mm, des missiles Exocet MM40 à vocation anti bâtiment de surface, de missiles anti-aériens Crotale pour se défendre contre une menace aérienne avion ou missile. La propulsion est très économe et permet de tenir longtemps à la mer en autonomie sans être ravitaillé. La vitesse maximale du Surcouf est de 23 nœuds, soit à peu près 40 km/heure.

Le gabier de la frégate Surcouf et son sifflet 

Son équipage est composé de 145 marins dont une vingtaine de femmes, jusqu’à 180 lorsqu’il intègre des détachements hélicoptère et commando. Vous avez pu voir le Panther de la flottille 36F qui embarque habituellement sur cette frégate. L’embarquement de commandos Marine ajoute une capacité d'interventions à terre ou sur des navires comme lors des opérations de lutte contre les trafics. 

L'hélicoptère Panther embarqué sur la  frégate Surcouf
 

LPJ Istanbul : Vous allez et vous avez déjà commencé à faire des rencontres dans le cadre de votre escale à Izmir ?

Commandant J. Dubois : En effet ! Habituellement, après l'arrivée, nous rencontrons les autorités portuaires. Particularité de cette escale, nous sommes arrivés en groupe avec le Patino, navire ravitailleur espagnol commandé par le capitaine de frégate Francisco Díaz Rodriguez. Nous avons visité ensemble le commandement de la zone maritime sud, puis madame l'ambassadrice d'Izmir représentant le Ministère des Affaires Étrangères turc. Ce soir, nous recevrons à bord du Surcouf une centaine de personnes françaises, turques et espagnoles avec une double invitation, c'est un peu l'originalité, des deux commandants espagnol et français.

À gauche le capitaine de frégate Francisco Díaz Rodriguez, commandant du ravitailleur espagnol Patino et à droite le capitaine de vaisseau Jérome Dubois commandant la frégate Surcouf

LPJ Istanbul : Parlez-nous aussi un peu de vous.

Commandant J. Dubois : Je suis issu d'une famille de papetiers charentais et suis entré sur concours à l'école navale en août 2000. Après 3 ans d’école, j’ai choisi la spécialité de pilote d’hélicoptère embarqué et ai suivi une formation interarmées de pilote d'hélicoptère à Dax. J'ai ensuite intégré la flottille 34F qui opérait à l'époque des Lynx, hélicoptères embarqués franco-britanniques à vocation anti sous-marine. Sur quatre années d’affectation, j’ai embarqué trois ans sur la frégate F67 De Grasse, retirée du service depuis. J’ai ensuite été affecté au centre d’expérimentation pratique et de réception de l’aéronautique navale CEPA/10S au sein duquel j'ai pu mener les expérimentations d'un nouvel hélicoptère qui venait d'arriver, le NH90.

J'ai poursuivi ma carrière en servant sur cet appareil, d'abord 3 ans embarqués, notamment sur la FREMM Aquitaine - au tout début des FREMM en 2012-2015 - et ensuite plutôt des opérations basées à terre, secours en mer, etc., jusqu'à commander la flottille 33F de 2018 à 2020. J’ai été ensuite commandant de second de la FREMM Aquitaine pendant deux ans avant de recevoir le commandement du Surcouf le 19 juillet 2022. J’ai environ 2500 heures de vol au compteur dont plus de 1200 sur hélicoptère Caïman Marine, 33 missions de secours en mer et 1000 jours de mer.

Pistolet qui aurait appartenu au corsaire Surcouf, conservé à bord de la frégate qui porte son nom

LPJ Istanbul : C'est la deuxième fois que vous venez en Turquie ?

Commandant J. Dubois : J’y suis venu en escale à Mersin en 2008 en tant que chef de détachement d’hélicoptère Lynx à bord de la frégate de Grasse déployée en mission Impartial Behaviour, volet maritime de la mission de l'ONU UNIFIL, toujours en cours au large du Liban. Nous avions opéré au large des côtes entre novembre 2008 et mars 2009.

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Lors de la réception officielle à bord du Surcouf, Olivier Gauvin, Consul Général de France à Istanbul, a rappelé les liens anciens qui unissent la ville d’Izmir et sa région avec la France, et notamment Marseille, qui lui doit son surnom de cité phocéenne. “Comment ne pas penser ici à ces générations de Français venus s’installer dans cette baie au cours des siècles, captivés par le charme smyrniote et l’hospitalité locale, et qui ont contribué à sa prospérité par leurs activités économiques, qu’elles soient commerçantes, maritimes, viticoles ou industrielles ? Comment ne pas penser face à cette baie à la collaboration entre les urbanistes français que sont Henri Prost et les frères Danger et la ville d’Izmir pour le renouvellement de son plan d’urbanisme, il y a un siècle ?” a-t-il dit en substance.

Olivier Gauvin, Consul Général de France à Istanbul, à bord de la frégate Surcouf faisant escale à Izmir

“Nous avons, il est vrai, souvent l’habitude de nous retrouver sur la terre ferme pour célébrer les liens entre nos deux pays mais la mer est un véritable lieu d’échanges et cette escale de la frégate Surcouf en est la preuve concrète. Ces escales illustrent bien les liens entre les marines turques et françaises qui coopèrent de longue date, notamment au sein de l’OTAN depuis 1952, et qui sont des partenaires essentiels de la Méditerranée. Ensemble, nous sommes profondément attachés à la préservation de la paix et de la stabilité dans la région.” a également précisé Olivier Gauvin qui a aussi évoqué l’escale faite à Istanbul il y a quelques mois des frégates Alsace et Languedoc. 

Escale de la frégate Surcouf dans le port d'Izmir

Après être passé par Civitavecchia en Italie et à l’issue de son escale smyrniote, le Surcouf est reparti patrouiller en Méditerranée avant sa prochaine escale à Saint-Malo, sa ville marraine. Il regagnera ensuite son port d’attache Toulon après un déploiement de six semaines.

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