Faire connaître la Turquie et ses habitants avec les yeux d'une alsacienne qui y vit depuis 20 ans.
5 Mai 2011
A l'entrée de Kemerburgaz, bourg situé dans la forêt de Belgrade et habité par le passé par une importante communauté grecque, se trouve un des quatre aqueducs construits par l'architecte Sinan dont de nombreuses mosquées, telle la Süleymaniye pour n'en citer qu'une, sont bien plus connues du grand public.
L'aqueduc d'Eğri, à l'entrée de Kemerburgaz, Istanbul
Le sultan Soliman le Magnifique confie en 1553 à Sinan la lourde tâche de résoudre les problèmes d'eau de la ville d'Istanbul dont la population compte alors environ 600 000 habitants.
En effet, les aqueducs érigés tant durant les époques romaine et byzantine qu'après la Conquête de Byzance par Fatih Sultan Mehmet ne sont plus guère suffisants.
Eğri kemeri
Sinan élabore alors un réseau d'alimentation colossal de plus de 50 km de long qui nécessite la construction d'aménagements conséquents, à savoir deux aqueducs - appelés Uzun kemeri et Eğri kemeri -, des canaux, des tunnels, des digues ainsi que rien de moins que 40 fontaines qui vaudront d'ailleurs le nom de Kırkçeşme à ce projet. Les travaux nécessaires démarrent en 1554 et vont durer une dizaine d'années.
La particularité de l'aqueduc d'Eğri réside dans l'angle qu'il forme
Les galeries, d'une largeur de 50-55 cm et d'une hauteur de 175 cm, avec un accès tous les 30 ou 40 mètres, ont été conçues de manière à permettre le passage aux employés chargés d'assurer la maintenance et la réparation du réseau.
Les eaux d'Alibey et de Kağıthane étaient stockées dans de nombreux réservoirs disséminés dans la forêt de Belgrade, d'une superficie de 13 000 hectares durant l'Empire ottoman. Elles étaient transmises en ville via les aqueducs, passant ensuite dans des canaux de distribution situés aux quatre coins de la ville, puis de là distribuées dans les fontaines, puits, bains publics et palais.
Sur l'aqueduc d'Eğri
Les installations conçues par Sinan étaient aussi fiables que celles réalisées aujourd'hui au moyen d'instruments modernes et même, durant les mois les plus secs de l'année, le système Kırkçesme, avec un débit de 4,200 m3/jour, pouvait ravitailler les 158 emplacements existants à Istanbul.
L'aqueduc d'Eğri, appelé aussi kovuk kemer ou kırık kemer, tient ses différentes appellations de l'angle qu'il forme à l'une de ses extrémités.
D'une hauteur de 35 mètres et d'une longueur totale de 342 mètres (216 m sur la partie la plus longue et 126 m après l'angle), il a été construit sur trois étages dont seuls deux sont visibles sur la partie traversée par la route qui dessert Kemerburgaz.
Il est aisé de grimper sur l'édifice et de parcourir l'intérieur des arches supérieures, permettant ainsi d'avoir une vue de celui-ci qui fait un angle de presque 90 degrés.
Une séquence du film "Malkoçoğlu ve Cem Sultan" datant de 1969 a d'ailleurs été tournée sur cet aqueduc.
Ambiance particulière sur l'aqueduc d'Eğri
A l'autre bout de l'ouvrage se trouve aujourd'hui l'usine de fabrication des eaux Hamidiye qui embouteille depuis 1979 les eaux de source rendues potables en 1902.
L'usine d'embouteillage des eaux de source Hamidiye vue du haut de l'aqueduc d'Eğri
L'aqueduc d'Eğri n''est plus en fonction aujourd'hui, remplacé par des pipelines d'alimentation plus actuels.