Faire connaître la Turquie et ses habitants avec les yeux d'une alsacienne qui y vit depuis 21 ans.
20 Mai 2009
Tout a commencé le 13 avril dernier, lorsque je me suis rendue à Sulukule, ce quartier d'Istanbul où habite la communauté gitane, présente ici depuis 1000 ans, mais qui vit ses dernières heures.
Deux semaines après, j'ai rendez-vous avec Funda, membre de la plate-forme Sulukule, auteur d'un blog et qui fait, entre autres, du soutien scolaire aux enfants du quartier. La rencontre est fixée au café Şükrü du quartier, lieu de rendez-vous de l'orchestre rom de Sulukule qui perpétue la musique tzigane ayant si longtemps distrait les sultans de la cour ottomane.
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De nombreuses photos sont accrochées sur les murs, il ne manque plus que la musique... Je fais connaissance ce jour-là avec Şenol, le chef de la troupe, également vice-président de l'association des habitants de Sulukule, ainsi que Vurgun, un des musiciens.
Vurgun, à gauche et Şenol, le chef de l'orchestre rom de Sulukule
Une date pour se retrouver et passer quelques heures en compagnie de tout l'orchestre est fixée au 18 mai, date de leur dernière représentation de la saison hivernale du Babylon, petite mais très célèbre salle de concerts d'Istanbul.
L'orchestre a vu le jour en février 2006, peu après la fondation de l'association des habitants de Sulukule. Son but est de faire tenir debout ne serait-ce que les musiciens qui animent le quartier, malgré sa destruction et les exils qui en découlent, et de perpétuer ainsi la renommée des musiques et danses roms connues dans le monde entier.
La soirée débute à 21 h et comporte trois parties. La première est plus particulièrement axée sur la musique fasil, originaire de la Türk sanat müziği, la musique traditionnelle turque, elle-même inspirée de la musique ottomane.
La musique rom prend la relève, montez le son et laissez-vous emporter.
Je vous propose, en même temps, de faire connaissance avec la troupe.
Akif joue de la clarinette à merveille, un véritable régal pour les oreilles.
Akif
Le violon "pleure" entre les doigts d'Arif qui le manie avec talent, en osmose parfaite avec son instrument.
Arif
La première partie permet au soliste Erdoğan de faire vibrer les spectateurs grâce à sa voix chaude et langoureuse.
Erdoğan
Ergin joue à merveille du kanun, instrument à cordes pincées de la famille des cithares dont l'origine, très ancienne, pourrait remonter à la fin du IXème siècle.
Ergin
Şenol, le chef, tape avec entrain sur un darbuka, sorte de percussion.
Şenol
Şükrü, Président de l'association des habitants de Sulukule, fait également partie de l'orchestre où il officie également aux percussions en tous genres (kenar, tabla).
Şükrü
Tamer joue aussi bien du tef (sorte de tambour très fin) que du davul, le tambour traditionnel turc.
Tamer et son tef
Vurgun, quant à lui, gratte son ud, instrument à cordes apparenté au luth. L'ud est né en Babylonie 600 ans après Jésus-Christ et fait partie de cette génération d'instruments qui a traversé les siècles.
Vurgun
L'ambiance commence à chauffer... et ce n'est que le début de la soirée !
Dans la loge, durant la pause, taquineries, accolades et parties de fous rires sont au programme. L'atmosphère qui règne au sein de la troupe est on ne peut plus sympathique et bon enfant...
La musique rom est au rendez-vous après le premier entracte. On entre dans le vif du sujet ! La fête peut réellement commencer !
Sur la scène, deux personnages très attachants et hauts en couleur vont mettre le feu ! Je vous présente Kobra Murat, chanteur, poète et troubadour des temps modernes ! Ses mots sont tour à tour plein de chaleur, de douceur et de tendresse mais aussi d'énergie et de vie, un vrai bonheur de l'entendre chanter... après l'avoir écouté parler...
Kobra Murat
Ses 76 ans n'empêchent pas l'adorable Nigar de répandre autour d'elle la bonne humeur qui la caractérise. Adolescente, elle dansait déjà lors les mariages et son entrain est toujours aussi vif.
Tamer se transforme en showman, emporte son tambour dans la salle, alors que Nigar fait claquer ses castagnettes.
On glisse des billets dans les cordes du tambour
La soirée bat son plein
L'orchestre rom de Sulukule sait mettre l'ambiance, faire monter la température... et donner du bonheur à tous les hôtes de la soirée. Que ce soit autour des tables ou à l'étage, on danse sur les rythmes entraînants de la musique tzigane.
Cet orchestre réputé de talent a donné de nombreux concerts à Ankara, Bursa, Istanbul bien entendu, entre autres à Garaj Istanbul et, en particulier, durant toute la saison écoulée, au Babylon, à raison d'un ou deux par mois. Un concert est prévu en novembre prochain à Berlin à l'occasion d'une rencontre culturelle et musicale entre Berlin et Istanbul.
Kobra Murat, une véritable "bête de scène"
Je concluerai par cette phrase prononcée par Kobra Murat "Si la musique rom n'existait pas, il n'y aurait pas d'art !" Elle fait véritablement partie intégrante de l'histoire, de la culture musicale, de la Turquie tout simplement...
Une vidéo est également visible sur Dailymotion.
Site de l'orchestre : http://www.sulukuleromanorkestrasi.com/