Faire connaître la Turquie et ses habitants avec les yeux d'une alsacienne qui y vit depuis 20 ans.

Du bretzel au simit

Yunus Demiralan, turc de Montélimar né à Boğazkale

2 août 2016 fin de matinée, dans la région de Çorum en Anatolie Centrale sur la D190 entre Sungurlu et Alaca. A défaut de pouvoir trouver un transport en commun, me voilà en train de faire du stop pour rejoindre le village de Boğazkale où se trouve l'extraordinaire site de Hattuşa, ancienne capitale hittite, qu'il me tarde enfin de découvrir.

La première voiture qui passe s'arrête et oh surprise, une plaque française, kısmet (la chance) ! Au volant, Yunus Demiralan habitant à Montélimar et né à Boğazkale en 1978, revenu au memleket (lieu d'origine) pour les vacances. A côté du chauffeur, sa maman et à l'arrière la grande soeur à côté de qui je prends place. C'est tout naturellement que je les accompagne jusqu'à l'hôtel familial (encore kısmet) où je vais poser mon sac à dos pour deux nuits.

 

Yunus Demiralan, né à Boğazkale en Turquie et vivant à Montélimar en France

Yunus Demiralan, né à Boğazkale en Turquie et vivant à Montélimar en France

Yunus n'a pas fait de longues études, il a arrêté l'école après ses années de lycée dans son village natal. En 1997, il a l'occasion de travailler durant la saison de fouilles du site, pendant 3 mois, sur la partie de Büyükkaya.

En 2000, il arrive avec son frère Bayram à Aubenas en Ardèche. Tous deux viennent en effet rejoindre leurs épouses respectives, Fatma et Zekiye, vivant déjà en France depuis 1992. Le père de ces dernières est venu travailler dans l'hexagone au début des années 1970 sur le chantier d'un barrage dans la région et ne revenant pas en Turquie, il a bénéficié d'un regroupement familial.

Ni Yunus, ni Bayram ne connaissent la langue de Molière à leur arrivée mais se débrouillent en anglais. Yunus suit deux mois de cours de français dans une école de langue et après avoir passé quatre semaines à découvrir son nouvel environnement, commence à travailler avec le frère de Fatma dans la maçonnerie générale.

Yunus Demiralan

Yunus Demiralan

Dix mois après son arrivée à Aubenas, la famille déménage pour Montélimar où les possibilités de travail sont plus importantes et où la communauté turque de la ville leur apporte son aide.

Durant 1 an et demi, il est employé dans une entreprise française de peinture où il retrouve quelques compatriotes, puis dans une entreprise turque pendant 2 ans. Il décide de construire sa propre maison à Montélimar et devient maçon dans une autre société turque, également durant 2 ans.

Ensuite, il travaille à son compte avec un ami pendant une année avant de créer avec son frère en 2006-2007 leur propre entreprise de maçonnerie. Bayram devient patron, Yunus ouvrier et à ce jour, la société emploie 14 salariés. En 2012, Yunus obtient la nationalité française par mariage.

Le fait d’avoir rencontré à Boğazkale pendant 14 ans des touristes venus des 4 coins du monde a sûrement facilité l’intégration de Yunus en France où il n'a pas connu de problème de racisme ou de discrimination.

L'hôtel Başkent Demiralan à Boğazkale, une entreprise familiale

L'hôtel Başkent Demiralan à Boğazkale, une entreprise familiale

Aujourd’hui, 2 fois/semaine, lui et son frère font du football en amateurs (Yunus comme attaquant) avec des copains tous français d'origine. Le reste du temps, il se livre en famille à des activités au bord de la mer à la belle saison et au ski en hiver.

A Montélimar, sur une population d'environ 32 000 habitants, environ 800 sont turcs dont 350 ont la double nationalité. La communauté dispose en ville de leurs propres infrastructures : une association, depuis 1984 une mosquée, un magasin d’alimentation ouvert en 1994, un café turc, un professeur de turc et un imam.

Plusieurs manifestations sont organisées tous les ans par l'association, notamment le 23 avril à l'occasion de la fête de la Souveraineté Nationale et des Enfants, des repas de ruptures du jeûne durant le mois du Ramadan, lors des fêtes religieuses, les différents “kandil”,... En outre, deux kermesses annuelles auxquelles assistent les personnalités politiques de la ville ainsi que les voisins font partie du calendrier annuel et permettent de déguster des plats traditionnels turcs, d'acheter livres et vêtements, de faire connaissance avec des artistes venus de Turquie et de passer un bon moment ensemble.

Fête de la Souveraineté Nationale et des enfants du 23 avril organisée à Montélimar par l'Association franco-turque

Fête de la Souveraineté Nationale et des enfants du 23 avril organisée à Montélimar par l'Association franco-turque

Yunus se sent bien en France et se dit heureux d’y vivre avec sa famille et ses 3 enfants, Ekin et Orhan, faux-jumeaux âgés de 14 ans et Acelya, sa fille de 11 ans, nés tous trois à Montélimar.

Peut-être qu’à la retraite, comme beaucoup d’aînés turcs, il passera plus de mois en Turquie tout en restant une partie de l’année en France.

Yunus Demiralan, son épouse Fatma et ses enfants, Ekin, Orhan et Acelya, une bien sympathique famille franco-turque

Yunus Demiralan, son épouse Fatma et ses enfants, Ekin, Orhan et Acelya, une bien sympathique famille franco-turque

Il se considère comme moitié turc et moitié français et a des échanges sympathiques avec les voisins, tels des repas où les invitations se font dans les deux sens. Pour lui, la transmission aux enfants de la culture turque et des valeurs est importante à ses yeux, afin que ceux-ci sachent d’où ils viennent.

Deux fois par an, Yunus revient à Boğazkale où vit toujours une partie de sa famille et il y reste deux semaines en hiver et 6 semaines en été.

Vue sur Hattuşa et sur le village de Boğazkale depuis l'hôtel Demiralan

Vue sur Hattuşa et sur le village de Boğazkale depuis l'hôtel Demiralan

Sur le site de Hattuşa, l''hôtel Demiralan de Boğazkale se voit de loin, ici à l'arrière-plan

Sur le site de Hattuşa, l''hôtel Demiralan de Boğazkale se voit de loin, ici à l'arrière-plan

Depuis, un bel hôtel avec piscine a remplacé la pension, le camping existe toujours (emplacement pour les tentes et 80 places pour caravanes avec toute l’infrastructure nécessaire telle que douches, électricité, …) et ses deux fils sont associés dans l’affaire.

Son père, né là, est retraité du musée du village et a ouvert en 1986 une pension avec 6 chambres, un restaurant de 200 places ainsi qu'un camping situés à la sortie du village en direction de Yazılıkaya.

Trois générations Demiralan réunies à Boğazkale, de gauche à droite Yunus, son père et Ekin, un de ses fils

Trois générations Demiralan réunies à Boğazkale, de gauche à droite Yunus, son père et Ekin, un de ses fils

Piscine de l'hôtel Başkent Demiralan à Boğazkale

Piscine de l'hôtel Başkent Demiralan à Boğazkale

Durant des années, cet endroit a accueilli de nombreux groupes étrangers venus de France, de Hollande, d’Allemagne, du Canada, du Japon (entre 20 et 25 000 japonais sont venus à Hattuşa l'an passé, recevant une contribution de leur pays lorsqu'ils se rendaient en vacances en Turquie...) et d'ailleurs.

Cette année, compte-tenu de la situation dans le pays, les touristes étrangers sont rares ; heureusement, quelques familles turques viennent visiter la région.

A l'hôtel Başkent Demiralan de Boğazkale

A l'hôtel Başkent Demiralan de Boğazkale

C'est donc à l'hôtel Demiralan que j'ai fait connaissance avec la sympathique famille de Yunus, de même que celle de Bayram, également venue pour les traditionnelles retrouvailles estivales.

 

Bayram Demiralan & co, Boğazkale

Bayram Demiralan & co, Boğazkale

Un beau souvenir et une belle rencontre avec cette famille que j'espère bien revoir, Hattuşa ayant été un de mes coups de coeur de l'été 2016.

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N
Ben non Chantal, vu que cette rencontre n'était pas prévue du tout, eh bien nous n'avions ni nougat ni helva dans nos poches...
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C
Coucou Nathalie <br /> Tu as le chic pour faire d'étonnantes rencontres : avez vous échangé des nougats contre du halva ou helva ?<br /> Bisous
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P
une illustration positive d'un parcours individuel de vie interculturelle, qui vaut mille et une rhétoriques dans le discours misérabiliste ambiant.....j'apprécie
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N
je pense aussi que cela fait du bien de voir des chemins réussis, cela change effectivement de l'ambiance négativiste... Merci Pat