Faire connaître la Turquie et ses habitants avec les yeux d'une alsacienne qui y vit depuis 20 ans.

Du bretzel au simit

L'église Saint-Louis des Français à Istanbul

Sur les collines de Pera, ancienne appellation de Beyoğlu, en plein coeur d'Istanbul, une vigne, acquise par le Roi de France à la fin du XVIème siècle, est restée propriété du pays.

Sur cette terre qui abrite depuis quatre siècles le Palais de France, résidence actuelle du Consul Général d'Istanbul, se trouve également le plus ancien lieu de culte latin de Pera encore en activité, l'église Saint-Louis des Français.


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                        Façade principale de l'église Saint-Louis des Français d'Istanbul

Deux chapelles existaient à l'origine. L'une, située à l'intérieur du Palais même, a été construite sur ordre d'Henri de Gournay, comte de Marcheville, ambassadeur de France de 1631 à 1639, et destinée à son usage personnel.

L'autre, extérieure, abritait la paroisse des catholiques français d'Istanbul et le couvent des Pères Capucins français. Les premiers Capucins sont arrivés là à la fin du XVIème pour s'occuper du lieu réservé au culte.


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             Plaque commémorative de la construction sur la façade extérieure de l'église
  
La chapelle qu'on aperçoit apparemment à cette époque du sérail, est bien trop visible au goût du grand amiral, le Kapudan Pacha. En effet, selon lui, le sultan, commandeur des croyants, doit afficher haut et fort son statut de meilleur défenseur du monde musulman.

En janvier 1634, il envoie ses soldats détruire la chapelle extérieure et l'Ambassadeur de Marcheville fait disparaître rapidement la seconde, intérieure.Tous les lieux de culte des catholiques de la ville sont mis sous scellés et une importante amende collective doit être payée par les ouailles.

 

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                              L'intérieur de l'église Saint-Louis des Français d'Istanbul


La loi interdit l'ouverture de toute nouvelle église et les célébrations ont lieu durant plusieurs années... dans un placard... que l'on referme soigneusement après chaque office. La situation s'apaise au fil du temps et à partir de 1642, la messe est à nouveau célébrée dans une salle attenante au Palais. 

 

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                                  L'entrée de l'église surmontée de l'orgue

La première église érigée vers 1660, en bois, est bénie le 25 août 1673, jour de la Saint-Louis, ancien roi de France décédé le 25 août de l'an 1270 et canonisé par l'église catholique vingt-sept ans après sa mort. 

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Comme de nombreuses églises de Français à l'étranger - telles celles de Lisbonne, Moscou ou Rome - elle porte ainsi le vocable de Saint-Louis des Français.

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                        Louis IX de France plus connu sous le nom de Saint-Louis

Dès 1673, elle est déclarée "chapelle ministérielle" et devient paroisse au début du XVIIIème siècle. 

En 1685, elle obtient l'autorisation d'abriter les sépultures des "Ambassadeurs, religieux et autres personnes de distinction".

 

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Cette plaque in memoriam évoque Max Fourchon, ancien secrétaire à l'Ambassade, Louis-Jean Henri Comte de Vaujany, capitaine d'armes et François Belin, Consul Général, tous trois enterrés dans cette église 

Grâce à la générosité de Roland Puchot,  Comte des Alleurs et 29ème Ambassadeur de France en Turquie et de celle des fidèles, la maison de Dieu subit de nombreuses transformations entre 1747 et 1755.

En 1788, le Père Godefroy de la Porte, futur archevêque de Naxos en Grèce, fait reconstruire un édifice en pierre. En 1831, le terrible incendie de Pera fait disparaître tant le Palais que l'église. Il faudra attendre 1847 pour que les deux bâtiments renaissent de leurs cendres, tous deux réalisés par l'architecte Pierre Laurecisque.

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Sur la droite de cette plaque commémorative parmi tant d'autres, il est rendu hommage à la mémoire d'Eugénie, épouse de l'architecte de l'église Pierre Laurecisque, décédée en 1847 au Palais de France à l'âge de 26 ans et inhumée dans cette église. Sur la gauche, c'est la mémoire de Pierre, fils d'Eugénie et Pierre, décédé à l'âge de 7 ans, qu'il est fait mention

Durant la première guerre mondiale, l'Ambassade est transformée en hôpital militaire turc et l'église - tout du moins le choeur - devient un temps mosquée de l'hôpital. La cave-cimetière est pillée, on cherche l'or qui pourrait avoir été enseveli avec les corps. Les restes ont depuis été transférés au cimetière latin de Feriköy.

                        
                                            En poussant un banc latéral...

Hormis les nombreuses plaques laissant entrevoir quelques pages d'histoire, l'orgue possède également son histoire. Il est construit à l'origine par Charles Mutin, successeur de la célèbre maison Cavailler-Coll, pour le prince Ibrahim Tevfik Efendi, fils de Mehmet Burhaneddin Efendi, membre de la famille impériale, amateur de musique et lui-même musicien. Cet orgue a vécu ses premières années dans le konak situé dans l'enceinte du Palais de Yıldız à Istanbul. 

 

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A la chute de l'Empire ottoman, le Prince part en exil et meurt à Nice quelques années plus tard. En 1925, l'orgue est racheté par les Capucins pour la somme de 37.500 Francs  avec l'aide du Père Hervé, alors supérieur des Capucins. Il est réinstallé à l'église Saint-Louis pour remplacer celui démonté lors de la premiere guerre mondiale et qui a mystérieusement disparu.

                       
                                    Le superbe orgue Mutin-Cavallier-Coll

Même si les vitraux de l'église n'ont que peu de valeur, attardons-nous toutefois sur celui de l'Ecce homo. Le 20 novembre 2003, la veille du Christ-Roi, il perd sa couronne suite aux déflagrations lors de l'attentat perpétré contre le Consulat britannique situé à Beyoğlu.

                       
            Le vitrail a été restauré peu après l'attentat mais la couronne n'est plus de mise

Quelques superbes statues visibles dans l'église, notamment celle, dans le sanctuaire, du Christ en croix entouré de Saint-Jean et de la Vierge, sont l'oeuvre de Luigi Bresciani.

Cet ébéniste devenu sculpteur a vécu durant 20 ans, en Bulgarie puis en Turquie, aux côtés de Monseigneur Roncalli, délégué apostolique, devenu ensuite le pape Jean XXIII.

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Résumer ici en quelques lignes la présence de la communauté des Capucins à Istanbul durant 374 ans, jusqu'en 1999, est impossible. Plusieurs articles seraient nécessaires pour cela.

Après une période de transition où l'intérim a notamment été assurée par le Frère Aloys Bailly, l'église Saint-Louis des Français se trouve à présent prise en charge par les Franciscains depuis 2003. 

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Ces derniers, venus d'abord à deux - puis à trois et aujourd'hui à quatre - s'occuper de la proche église Sainte-Marie Draperie, se sont vu confier par l'évêché la reprise en mains de l'église Saint-Louis.

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Les cultes y ont lieu toutes les semaines, le samedi à 18 h et le dimanche à 11 h.


Je tiens à remercier chaleureusement le Frère Gwénolé pour le temps qu'il a bien voulu me consacrer et pour les documents qu'il m'a fournis dans le cadre de la préparation de cet article.

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P
Cher Monsieur,<br /> aujourd‘hui, je me permets de vous adresser avec une requéte.<br /> J‘ai recherché l‘histoire de l‘inhumation de coeur en l‘Europe pendant années.<br /> Ayant entendu que le coeur de Pierre Puchot des Alleurs (+1725), ambassadeur à la Sublime Porte, est conservé dans l‘eglise Saint-Louis des Francais à Istanbul, je vous prie cordialement de m‘envoyer des informations (préférablement des images) sur ce cardiotaphes ou de me dénommer une adresse (postale ou électronique) à laquelle je pourrais m‘adresser.<br /> En vour remerciant en avance, je vous prie de croire en mes sentiments les meilleurs
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N
Guten Morgen lieber Dr Armin, danke für Ihren Mesaj. Ich werde Ihnen in ein paar Tage schreiben, Ich ziehe aus Zurzeit und bin nicht mehr in Istanbul aber in Izmir aber Ich kann Ihnen helfen. Beste Grüsse. Nathalie
A
<br /> Bonjour, Merci beaucoup pour ces informations sur lesquelles je suis tombé par hasard. Je sais enfin où se trouve mon ancêtre, le Comte de Vaujany, qui figure au milieu de la 1ère photo de stelle<br /> commémorative de votre article. merci encore. j'irai lors de mon prochain voyage à Istanbul !<br /> <br /> <br />
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N
<br /> <br /> Ravie pour vous de cette découverte !<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> Bonjour. Je trouve votre site remarquable parce que complet, documenté et sensible. J'ai une question.. J'écris un article sur le monument funéraire Laurecisque à Montmartre. Or il y est inscrit<br /> que Pierre, le jeune fils enterré avec sa mère à Péra, est mort à l'âge de 7 ans. Vous mentionnez un enfant mort à 3 mois. Est-ce une erreur, côté Péra ou côté Montmartre? Y a t-il eu un autre<br /> enfant que Pierre? Je vous remercie par avance....<br /> Cordialement<br /> <br /> <br />
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N
<br /> <br /> Où suis-je allée pêcher que l'enfant est mort à 3 mois, non évidemment c'est bien 7 ans. Il est né le 1er mars 1840 et décédé le 15 juillet 1847. Merci pour votre remarque, je viens de rectifier<br /> mon erreur. Par contre, je ne sais pas si les époux Laurecisque avaient d'autres enfants ou pas...<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> Mais, Nat, je ne rejette en rien, dans mon précédent commentaire, ni l'histoire de l'église ni celle des Capucins.<br /> <br /> Ceci étant, ta réponse, que tu le veuilles ou non, corrobore mon impression première : ces plaques commémoratives auxquelles tu fais allusion constituent encore un exemple supplémentaire qui me<br /> fait estimer que cet endroit ne présente pas les conditions d'un lieu de culte, d'un lieu saint tel que je l'envisage personnellement.<br /> <br /> Dans cette froide église sans âme de Saint-Louis des Français, si j'étais croyant, rien ne me donnerait envie de venir m'y recueillir dans une atmosphère propice à ma foi ; ni rien, en tant que<br /> simple touriste, - mis à part les Bresciani - d'apprécier une éventuelle visite approfondie.<br /> <br /> Certes, tu as raison d'écrire que "les richesses d'un lieu peuvent être ailleurs que dans son architecture seulement". Mais là aussi, tu apportes de l'eau à mon moulin : "les richesses d'un lieu",<br /> oui ; mais pas n'importe lequel : pas d'un lieu de culte, quel qu'il soit d'ailleurs. Une église, une synagogue, une mosquée sont à mes yeux le reflet, dans la pierre, d'une religion à une époque<br /> donnée : si elles sont inévitablement la matérialisation d'un style architectural, elles se doivent également par la création d'une atmosphère, d'une "ambiance" intérieure de permettre à celui qui<br /> s'y recueille d'être en totale symbiose avec ce qui l'entoure, partant, en totale symbiose avec son dieu.<br /> <br /> Tu sais parfaitement bien comme moi tout ce qui différencie une cathédrale romane, par exemple, d'une gothique ; ou une synagogue espagnole d'une tchèque (comme à Prague).<br /> Mais à mes yeux, ces styles pourtant si différents - que l'on aime ou pas, que l'on préfère l'un plutôt que l'autre -, tendent tous vers un seul et même but : permettre aux croyants de se sentir<br /> bien pour vivre leur foi.<br /> <br /> Tu m'as conseillé de retourner lire un précédent article que tu avais consacré, avant que l'on se connaisse, à l'église Saints-Pierre-et-Paul d'Istanbul<br /> (http://dubretzelausimit.over-blog.com/article-15944721.html) : là aussi, tu me donnes raison ! Voilà bien un lieu saint - je le répète : qu'on en aime ou pas le style ; ce qui, finalement n'a pas<br /> grande importance - qui inspirerait mon recueillement parce que je m'y sentirais bien ...<br /> <br /> C'est probablement très personnel, probablement très intellectualisé comme raisonnement, je te l'accorde, mais c'est ainsi que j'envisage les choses et que j'avais envie de réagir par rapport à ton<br /> article.<br /> <br /> Je n'ai évidemment pas l'intention de convaincre qui que ce soit, le prosélytisme n'étant pas véritablement ma façon de fonctionner ...<br /> <br /> Merci néanmoins de m'avoir permis de m'exprimer sur le sujet, plutôt que me rejeter sous prétexte que, n'étant pas croyant, je n'y connais strictement rien et n'ai donc pas voix au chapitre ...ce<br /> qui, pour moi, ne serait pas la première fois que je serais confronté à semblable réaction d'intolérance !<br /> <br /> <br />
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N
<br /> J'avais bien compris que tu ne rejettais pas l'histoire même des lieux et de ses anciens occupants.. Je conçois que selon les lieux de culte, on peut se sentir plus ou moins bien pour y exprimer sa<br /> foi, lorsqu'on l'a évidemment. De rien quant à la possibilité d'avoir pu t'exprimer sur le sujet, je la rejette seulement lorsque j'estime qu'elle est diffamatoire et non constructive.<br /> <br /> <br />
R
<br /> Je constate avec plaisir que mon ami "Louvre-passion" est venu te rendre une petite visite.<br /> <br /> A mes yeux, avec ses radiateurs modernes apparents, ses teintes froides, (vert d'eau de surcroît !) et son architecture intérieure totalement dépourvue d'unité esthétique, cette église manque<br /> totalement d'âme : rien n'attire vraiment mon regard curieux, intéressé et toujours prêt à être admiratif quand je suis en pays étranger.<br /> <br /> Mais là, circulons, il n'y a pas vraiment grand-chose à voir ! A part, peut-être le travail du bois des statues de Bresciani avec le très beau drapé de la robe de Marie ...<br /> <br /> Et ceci sans encore avoir évoqué l'architecture extérieure : amalgame de je ne sais trop quels styles, avec notamment ces hublots de navire, cela manque totalement d'harmonie.<br /> <br /> Cela pourrait être n'importe quoi, y compris une piscine communale, mais certes pas une église chrétienne !<br /> <br /> Pour ce qui me concerne, j'estime que dans une ville pour laquelle, à longueur d'articles, tu es parvenue à me montrer avec bonheur les immenses richesses architecturales, ce bâtiment de culte fait<br /> bien pâle et triste figure ...<br /> <br /> <br />
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N
<br /> Je te trouve bien dur au sujet de cette église, mais je respecte ton avis. Son histoire est pourtant bien particulière, de même que celle des Capucins qui y ont été durant tant d'années. Les<br /> plaques commémoratives qu'on y trouve sont une page d'histoire à elles toutes seules. Les richesses d'un lieu peuvent être ailleurs que dans son architecture seulement... tout comme celles des<br /> personnes qu'on ne peut déceler simplement à une apparence physique...<br /> <br /> <br />
C
<br /> Comme d'habitude, magnifiques photos et excellents commentaires qui invitent à la visite. J'espère pouvoir la faire prochainement.<br /> <br /> <br />
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N
<br /> Il faut prendre rdv pour la visiter puisqu'elle se trouve dans le périmètre du Palais de France. Sinon, l'autre solution est d'aller à l'heure du culte le samedi soir ou le dimanche matin...<br /> <br /> <br />
L
<br /> Un article très intéressant sur un lieu méconnu, je ne soupçonnais pas l'existence de cette église Saint Louis.<br /> <br /> <br />
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N
<br /> Il y a encore beaucoup de lieux méconnus d'Istanbul à faire découvrir aux lecteurs...<br /> <br /> <br />
C
<br /> Très beau reportage mais je ne pourrai jamais oublier la visite de cette petite église où tu m'a fait connaitre ce très interessant et savant prêtre italien !<br /> <br /> <br />
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N
<br /> Tu parles de l'église Saint-Pierre-et-Paul de Galata qui n'est tout de même pas si petite que ça !<br /> <br /> <br />
M
<br /> chock güzel lafaçade, et chock iiiim l'intérieur de cette église ! (pardon pour l'orthographe, tu peux me la redonner ?)<br /> <br /> <br />
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N
<br /> çok güzel dişardaki duvarı ve çok iyi kilisenin içeresinde<br /> <br /> <br />