Faire connaître la Turquie et ses habitants avec les yeux d'une alsacienne qui y vit depuis 20 ans.
24 Octobre 2008
Au bout de bientôt un an d'existence du blog, il était temps de vous dire tout... ou presque sur le simit, ce petit délice qui fait le lien entre ma première vie en Alsace et ma seconde vie en Turquie.
Il a vu le jour, parait-il, durant l'Empire ottoman mais je dois dire que mes recherches n'ont rien donné de plus. Des fouilles archéologiques s'imposent !!!
Ce petit pain rond à consommer sans modération, partout et à n'importe quelle heure du jour, est composé de farine, d’eau, de sel, de levure, de pekmez (moût de raisin épaissi en cuisant) et recouvert de graines de sésame. Il est cuit une quinzaine de minutes entre 250 et 280 degrés, de préférence dans un fırın, fournil à bois traditionnel.
Prêts à cuire
J'ai d'abord visité un des cinq fırın de Beyoğlu. "Simit evi" (la maison du simit) existe depuis 1972 et tout y est réalisé de façon artisanale. Les fırın à simits ne connaissent pas de repos dominical, ils sont ouverts 7/7 de 4 ou 5 h du matin jusqu'à 16 h.
On peut mettre jusqu’à 250 simits à l'intérieur du four. Mais il est rarement plein car le préposé au four, qui sue à grosses gouttes, en insère de nouveaux, sort ceux qui sont cuits, déplace les autres dont la cuisson a commencé et ainsi de suite.
En face de lui, un employé travaille la pâte et la forme. La cadence est régulière, sacrée organisation ! Entre 1000 et 1500 simits sortent de là tous les jours et sont tous revendus dans la rue.
Cela faisait longtemps que je voulais savoir comment "fonctionne" un marchand de simits, mais le vrai, pas le Simit Sarayı (palais du simit) ou Simit Dünyası (le monde du simit) qui ont fleuri aux quatre coins de la ville ces cinq dernières années.
J'en ai choisi un au hasard, j'avais l'embarras du choix.
J'ai ainsi fait connaissance de Hüseyin, originaire de la belle ville de Mardin proche de la Syrie que je connais bien pour m'y être rendue à quatre reprises.
Hüseyin vit à Istanbul depuis 6 ans. Il a passé d'abord presque 3 ans en contrebas de la place de Taksim où il vendait environ 100 exemplaires/jour. Depuis près de 3 ans, il occupe cet emplacement directement sur la place même de Taksim, qu'il a choisi et qui est bien plus stratégique et rentable.
Il a répondu avec précision à mes nombreuses questions et je suis certaine que vous en aurez d'autres qui m'ont échappé.
7 h du matin, je retrouve le livreur du fournil rencontré la veille qui approvisionne Hüseyin
En général, les fırıncı qui tiennent les fournils achètent auprès de la mairie une autorisation valable pour 20 à 30 véhicules ambulants en soumissionnant à un appel d'offres.
Les marchands de rues achètent leur cariole 2000 ytl (environ 1000 Euros) qu'ils payent à crédit à raison de 200 ou 250 ytl/mois selon leurs possibilités. Ils versent également à la mairie un droit de place de 100 ytl tous les mois.
Les vendeurs de rues viennent s'approvisionnement directement au fournil ou se font livrer par ces derniers selon l'éloignement.
7 h 30 - les clients du matin arrivent
Sortis du fırın à 0,425 ytl/l'unité, on achète un simit en moyenne 0,75 ytl dans la rue depuis le début de l'année. A titre de comparaison, en 2007, le prix de vente moyen était de 0,50 ytl..., l'augmentation a donc été conséquente !
Dans un lieu de passage aussi fréquenté que la place de Taksim, Hüseyin écoule de 200-250 ex/jour en travaillant de 6 h à 22 h environ... 7 jours sur 7. Pour compléter ses revenus, on trouve également chez lui, comme chez la plupart de ses collègues, d'autres petits pains tels que les "açma" en forme de croix, des petits pains briochés, des portions de fromage fondu, ainsi que des bouteilles d'eau fraîche et des des jus de fruit en brick.
Après toutes les déductions telles que l’emplacement, le papier d'emballage, les sachets plastique, etc, il reste, selon les mois, entre 450 (225 €) et 600 ytl (300 €) de revenus nets...
Pour ceux qui connaissent et apprécient le simit autant que moi, nature ou avec du fromage et des olives, accompagné d'un thé brûlant, vous ne le regardez peut-être plus de la même façon à partir d'aujourd'hui...
En dégustant les simits offerts par les employés du fournil ainsi que le délicieux sablé de Hüseyin, j'ai pensé que ces hommes avaient bien du courage pour effectuer le travail qui leur permet de vivre. Qu'il pleuve ou qu'il vente, vous trouverez toujours et partout un simit à portée de main.
La seule différence, c'est que son goût et sa consistance ne seront pas les mêmes à Istanbul ou Izmir, réputés pour leur côté croustillant, qu'à Diyarbakir (Sud-Est de la Turquie) où ils seront plus moelleux, mais partout aussi délicieux !