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Du bretzel au simit

Sagalassos, première ville de l'antique Pisidie - Un peu d'histoire

A 7 kilomètres à peine du charmant village d'Ağlasun situé dans la province de Burdur s'étend, en plein coeur des montagnes du Taurus, un site antique d'un intérêt majeur et qui fait de plus en plus parler de lui ces dernières années, Sagalassos.

Chemin de l'agora supérieure et du nymphée antonin de Sagalassos

Chemin de l'agora supérieure et du nymphée antonin de Sagalassos

Ses vestiges, disséminés à une altitude comprise entre 1450 et 1600 mètres, démontrent que s'installer sur une montagne aussi abrupte n'est pas le fruit du hasard.

En effet, la proximité de dizaines de sources, la richesse géologique du sous-sol, que ce soit en argile utilisée pour la poterie, en pierre de taille de qualité et en minerai, constituent des atouts indéniables, tout comme la configuration des lieux qui en font une cité protégée et sûre.

Vue sur la montagne de l'agora inférieure de Sagalassos

Vue sur la montagne de l'agora inférieure de Sagalassos

Des traces de présence humaine remontant à 10 000 av. J.-C. et des premières sédentarisations vers 6500 avant notre ère ont été trouvées dans la région. A cette époque déjà, on y fabriquait de la céramique.

Les Louvites, peuplades Indo-Européennes, migrent vers l'Anatolie vers 2300/2200 et peu après 1200 av. J.-C., les Pisidiens vont peupler cette zone géographique.

Plus tard, la culture hellénique va se retrouver à Sagalassos qui devient rapidement une ville indépendante dotée d'institutions autonomes. 

Vue sur l'agora inférieure et la rue à colonnades de Sagalassos

Vue sur l'agora inférieure et la rue à colonnades de Sagalassos

Grâce à sa prise de contrôle de nombreuses vallées environnantes durant son histoire, Sagalassos bénéficie de la richesse des terres fertiles de la vallée d'Ağlasun et est reliée aux principales voies de communication anatoliennes pendant la période romaine, alors que la ville est à son apogée.

C'est l'empereur romain Auguste qui est assurément le personnage le plus influent de toute l'histoire de la région. Avec le 1er siècle de notre ère commence une période de grande prospérité pour la cité qui bénéficie d'investissements importants dont une route qui la relie à la mer, favorisant ainsi sa croissance.

L'économie de Sagalassos est basée sur la production et l'exportation de céréales et d'olives, de bois ainsi que d'une céramique de qualité à engobe rouge.

Les thermes impériaux de Sagalassos

Les thermes impériaux de Sagalassos

Probablement dans le cadre d'une de ses trois visites effectuées en Asie Mineure entre 124 et 132 ap. J.-C., l'empereur Hadrien décide de détacher la ville de la province de Galatie et de l'incorporer à celle de la Lycie-Phamphylie.

Ce choix va radicalement changer l'histoire de Sagalassos qui devient le siège du culte impérial pour toute la Pisidie et reçoit le titre honorifique de "Première ville de Pisidie."

L'activité économique et architecturale devient intense et c'est le début d'une prospérité qui perdure jusqu'au 3ème siècle.

Détail du nymphée antonin de Sagalassos

Après les influences grecques et la frénésie romaine, Sagalassos connaît à partir du 4ème siècle de notre ère la christianisation qui s'accompagne d'importantes réformes politiques. C'est seulement un siècle plus tard que la christianisation devient visible à travers l'apparition d'églises.

Deux importants tremblements de terre survenus au début du 6ème et du 7ème siècle ainsi qu'une  épidémie de peste vers 541-542 vont entraîner le déclin progressif de la cité. Celle-ci continue néanmoins à compter des agriculteurs jusqu'au 13ème siècle, période où va se développer Ağlasun.

Péristyle de la villa urbaine de Sagalassos

Péristyle de la villa urbaine de Sagalassos

La ville va alors être entièrement abandonnée et ce n'est que le 20 novembre 1706 que l'on entend à nouveau parler d'elle grâce à Paul Lucas, diplomate français au service de Louis XIV qui redécouvre ses ruines lors d'un long voyage effectué sur ordre du roi en Grèce, en Asie Mineure, en Macédoine et en Afrique.

Jusqu'à la fin du 19ème siècle, les archéologues sont bien plus intéressés par les fouilles grandioses sur les sites antiques de la côte égéenne que par Sagalassos ; seul le comte polonais Karol Lanckoroński lui accorde un intérêt scientifique.

Quelques chercheurs s'intéressent à l'un ou l'autre aspect des vestiges au 20ème siècle mais c'est réellement à partir de 1983 que les choses s'accélèrent...

Détail d'un chapiteau ionique, Sagalassos

Marc Waelkens, professeur belge en archéologie à l'Université catholique de Louvain, se rend à Sagalassos le 23 août 1983 en compagnie du Docteur Anglais Stephen Mitchell, initiateur d'un vaste projet appelé "Projet Pisidie".

Le Prof. Waelkens ne sait pas encore, lors de sa première visite du site, qu'il va lui consacrer le reste de sa carrière, soit trente années. Il dirige d'abord quatre campagnes de fouilles sous la direction du Dr Mitchell puis obtient en 1990, en son nom propre, le permis de fouiller la cité et de prospecter le territoire.

Depuis la saison 2014, c'est le Prof. Dr Jeroen Poblome, également de l'Université catholique de Louvain et qui travaille sur Sagalassos depuis 1991 aux côtés de Marc Waelkens parti à la retraite l'an passé, qui a pris la relève de la direction des fouilles.

L'agora supérieure, le nymphée antonin et le théâtre de Sagalassos

L'agora supérieure, le nymphée antonin et le théâtre de Sagalassos

Dans le prochain article, nous visiterons ensemble ce site qui sort de l'anonymat et retrouve ses lettres de noblesse grâce à l'union des efforts réalisés par les spécialistes belges et turcs.

 

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E
N’est ce pas qu’il est magnifique ce site dans son cadre naturel grandiose ! Un vrai coup de cœur lors de ma visite en 2011, doublé d’une pensée reconnaissante pour tous ceux qui l’ont sorti de l’oubli. Beau travail de restauration respectueuse des vestiges.
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D
Nous l'avons visité en famille ce site il y deux ans . magnifique tout autant que l'environnement naturel du site !!
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C
Merci pour cet intéressant billet, tu m'épates toujours
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N
Ce sont aussi mes connaissances que j'accrois... et j'ignorais l'existence de ce testament d'Auguste dont on a retrouvé une copie en Pisidie... Merci pour cette information intéressante
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R
Merci Nat pour cette série qui s'annonce très intéressante, non parce que ce sont des compatriotes qui sont à l'origine de la mise en lumière de ce site - superbes photos que les tiennes -, mais parce que grâce à tes articles, tu vas accroître les connaissances de tes lecteurs sur un point d'histoire romaine non négligeable.<br /> <br /> Tu évoquais de prime abord Auguste, le premier empereur romain.<br /> (Permets-moi d'en profiter pour rappeler que César, assassiné en 44 avant notre ère, donc avant l'arrivée d'Auguste au pouvoir, ne fut jamais empereur même si, par méconnaissance des faits historiques réels, il est habituellement gratifié de ce titre par nos contemporains.)<br /> <br /> Mais revenons à Auguste. Un peu avant de mourir, il laissa un testament politique, un récit de ses faits et gestes (en latin : Res gestae divi Augusti = Les hauts faits d'Auguste divinisé) qu'il fit notamment graver sur des tables de bronze.<br /> Celles-ci disparurent à jamais de Rome.<br /> Fort heureusement pour nous historiens, des copies retrouvées en divers lieux de son empire permettent d'en connaître le texte : sais-tu que l'une d'elles, rédigée en grec, fut retrouvée au siècle dernier à Apollonia de Pisidie ?<br /> Donc dans la région du site que tu as commencé à nous faire ici découvrir.
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