12 Janvier 2011
Article réalisé avec le concours d'Yves-Marie Laouenan et de
Cinq heures du matin, l'imam de Kumluova appelle ses ouailles à la première prière de la journée et invite par la même occasion les membres de la mission archéologique française du cru 2010 à émerger des bras de Morphée.
Quelques instants plus tard, une tirade déclamée en français de façon théâtrale prend la relève ; elle sera chaque jour différente...
La maison de fouilles de la mission archéologique française située au-dessus du site du Létôon
Petit à petit, des yeux parfois encore bien ensommeillés et des pieds traînants prennent place autour des tables installées à l'extérieur pour partager le petit déjeuner.
On ne s'attarde pas trop longuement car dès 6 h, la journée de travail commence et pour beaucoup, il faut se déplacer jusqu'à Xanthos.
Les 44 ouvriers recrutés en 2010 pour travailler sur le site de Xanthos et les 21 opérant au Létôon arrivent la plupart sur des vespas ou des motocyclettes, moyens de transport particulièrement usités dans la région.
Garage à cycles à l'ombre des arbres
La distribution des tâches se fait rapidement et pelles, pioches et brouettes reprennent leur service quotidien avant que l'ardeur du soleil ne vienne ralentir la cadence au fur et à mesure que les heures passent.
Après s'être entretenu avec le gardien des fouilles, le chef de mission effectue un tour du site afin de s'enquérir des questions et des problèmes éventuels rencontrés par chaque équipe.
Dans le cimetière byzantin mis au jour dans le prolongement du decumanus, l'ouverture des tombes requiert autorisations administratives et travail bien spécifique
Dans le théâtre, les restes des fresques en surface, particulièrement abîmées par le temps, font l'objet de soins intensifs. Après un nettoyage, les couleurs seront fixées et les bords consolidés par la restauratrice turque qui oeuvre régulièrement sur place depuis plusieurs années déjà.
Ces mesures de conservation indispensables permettent, tout comme celles opérées sur les innombrables mosaïques de Xanthos, de préserver au mieux ces fragiles richesses.
Au niveau de l'agora située en face du théâtre, la pelleteuse virevolte sans cesse pour déplacer des blocs particulièrement massifs qui vont être rangés de façon à être agréables à l'oeil des visiteurs.
A manipuler avec précaution !
A quelques mètres de là, toujours dans l'agora, des restes de constructions sont explorés et la mise au jour se poursuit. Au fur et à mesure que le soleil se fait plus brûlant, c'est à tour de rôle que les ouvriers joueront de la pioche, tant le travail devient pénible.
A 10 heures, la pause permet de reprendre son souffle ainsi que des forces grâce à l'absorption d'un en-cas bien mérité, partagé dans la bonne humeur.
Après cet intermède, si nous faisions un tour au dépôt ! Sur chacun des sites, une construction abrite caisses et étagères où s'amoncellent les trésors découverts.
A la fin de chaque journée, une halte s'impose afin de déposer la "récolte" quotidienne. Identifié, décortiqué, nettoyé, chaque fragment de poterie, chaque ossement, chaque morceau de pierre ouvragée sera ensuite rangé après inventaire.
C'est une formidable oeuvre nécessitant beaucoup de patience qui s'effectue là, dans l'ombre, réalisé par des mains délicates qui voient passer petites et grandes trouvailles.
Une partie du dépôt stock de Xanthos
C'est également ici que sont étudiées bon nombre de pièces, encore un travail de fourmi qui requiert connaissances et une certaine forme de placidité.
Au dépôt du Létôon, on examine aujourd'hui une série de tessons de verre
Nous voilà de retour sur les fouilles où certains effectuent des travaux d'Hercule et l'expression "fort comme un turc" n'est pas usurpée, bien au contraire !
Les outils se font lourds, les bras commencent à fatiguer, la besogne ici n'est pas de tout repos.
Un couvre-chef original pour se protéger de Râ
Pendant ce temps, d'autres manipulent crayons et règles pour coucher sur le papier qui, certaines pièces de monuments spécifiques, qui un emplacement délimité.
Les occupations sont ainsi parfois très solitaires, parfois opérées en commun.
Les outils s'avèrent de temps en temps insolites. Une cuillère non pas pour déguster un quelconque mets mais pour gratouiller la terre, un pinceau non pas pour étaler des couleurs sur une toile mais pour dégager précautionneusement un mince et fragile débris ou un fin scalpel se révèlent par moments indispensables.
L'anthropologue en pleine action
A 14 heures sonne le glas d'une journée de travail ordinaire. Les ouvriers grimpent sur leurs cycles pétaradants et les membres de la mission se retrouvent au Létôon autour du déjeuner.
Après le réconfort accordé aux estomacs, certains prendront un court moment pour se reposer. La plupart, toutefois, continuent encore et toujours à oeuvrer.
Armés de courage, quelques uns retournent sur le site pour avancer. D'autres se penchent sur la rédaction des documents administratifs indispensables. L'heure est plus aux tâches intellectuelles que manuelles dans l'après-midi.
Comptes-rendus quotidiens, plans, cotations, travaux informatiques ou sur papier prennent toujours beaucoup de temps.
Quand on est chef de mission, les signatures sont nombreuses...
La souriante cuisinière, embauchée pour la première fois l'an passé, s'active de son côté. C'est qu'il y en a des bouches à nourrir ! Auparavant, on fouillait et on préparait aussi les repas !
L'heure la plus agréable est celle... de l'apéritif, moment privilégié avant le dîner.
Le sujet de conversation principal reste toujours... le travail, les fouilles, les petits problèmes du jour. Parfois, un événement insolite tel que la visite de petits visiteurs nocturnes poilus et inattendus, vient pimenter les échanges.
Déjeuners et dîners se font toujours en plein air
Au milieu des coassements qui retentissent sur le site étendu au pied de la maison de fouilles du Létôon, chacun prend ensuite rapidement la direction de sa chambre, aux alentours de 21 h 30 ou 22 h.
C'est que demain, dès 5 h, il va falloir recommencer !