9 Janvier 2011
Article réalisé avec le concours d'Yves-Marie Laouenan et de
Le sanctuaire lycien du Létôon dont vous avez découvert la belle légende ainsi que l'histoire ne peut que ravir les amateurs de vieilles pierres dans un cadre enchanteresque où l'eau prend une place importante.
Si le site est bien moins étendu que celui tout proche du Xanthos que nous avons arpenté longuement ensemble, il n'en demeure pas moins sûr que de nombreux vestiges sont encore enfouis dans les nombreuses couches d'alluvions qui ne facilitent d'ailleurs pas les recherches.
L'eau, la pierre, la végétation et la montagne harmonieusement unis au Létôon
Il a été possible d'apercevoir, à quelques reprises, lorsque la nappe phréatique est particulièrement basse, des éléments appartenant à des portiques plus anciens que ceux visibles des touristes.
Ces alluvions, qui ont progressivement enfoui le Létôon après son abandon au VIIème siècle, ont permis la préservation du temple de Léto dont 80 % des blocs ont été retrouvés sur place.
L'édifice a été détruit en deux temps : ce fut d'abord la colonnade, permettant aux premiers chrétiens de réutiliser le reste de la construction pour réaliser en partie l'église voisine érigée au Vème siècle ap. J.-C. Plus tard, les murs furent démontés pour récupérer le métal des scellements, sans doute au moment de l'abandon définitif du site.
Le puzzle pour reconstituer le temple de Léto nécessite encore bien des années de travail
Juste à côté du temple de Léto, de style ionique, se trouve celui du même ordre dédié à sa fille Artémis - le plus modeste des trois -, lui-même contigu à celui d'Apollon, dont les dimensions rivalisent avec l'édifice honorant sa mère.
De nombreux blocs de pierre ont été probablement subtilisés à l'époque byzantine aux ouvrages consacrés à Artémis et Apollon, également pour construire l'église nichée tout près de là, sur la limite sud du site.
A l'avant-plan, les vestiges du monument érigé en l'honneur d'Apollon et à droite ceux du temple dédié à sa soeur Artémis ; à l'arrière-plan, les restes de l'église construite à l'époque byzantine
Le temple dorique dédié au fils de Léto abrite une mosaïque de toute beauté ornant le sol de l'enceinte sacrée. Décomposée en trois parties, chacune évoque Apollon, l'une des divinités grecques les plus connues.
La rosace du milieu, interprétée comme étant le soleil, se trouve entourée d'un côté par une lyre, instrument que l'on trouve souvent sur des représentations du dieu des arts et, de l'autre, un arc et un carquois en référence au dieu archer qu'il était également.
Trois symboles d'Apollon réunis dans une seule mosaïque
Les trois temples, constituant un ensemble magnifique, s'élèvent en fait sur une esplanade taillée dans le rocher de la colline qui a subi différents aménagements au fil du temps. Bien avant ceux visibles aujourd'hui, trois autres temples avaient été édifiés par des tâcherons aux environs de 400 av. J.-C., du temps du dynaste Arbinas, à l'origine du monument des Néréides de Xanthos.
Au nord des temples, il est difficile d'apprécier, au vu de l'aspect actuel, ce que pouvait être l'imposant portique construit probablement vers la fin du IIème siècle av. J-C. Celui-ci, dont la façade originale était dorique, possédait deux nefs.
Vue partielle du portique nord
Parmi les trouvailles réalisées dans ce secteur par les membres de la mission archéologique française, une des plus intéressantes pour les visiteurs est certainement la base à bucranes de toute beauté.
Un bucrane - tête de boeuf décorée - parmi les nombreux taillés dans le portique nord du Létôon
Le théâtre, construit au milieu du IIème siècle av. J.-C., donc bien après les temples, et visiblement érigé à des fins religieuses, est accessible notamment par un chemin de pierre en escalier donnant sur un tunnel qui permet de se retrouver directement à l'intérieur de l'édifice.
Accès sud du théâtre orné d'une élégante façade sculptée au-dessus de la voûte
La partie centrale, réalisée à même la roche naturelle d'une petite butte, se trouve entourée de part et d'autre par des parties maçonnées.
Si le bâtiment de scène n'a guère survécu aux siècles écoulés, sa localisation a pu se faire à près de 3 mètres sous le niveau du sol actuel.
En empruntant le second tunnel côté nord, le visiteur peut voir le couvercle d'un sarcophage lycien ainsi que plusieurs tombes témoignant de la présence d'une nécropole bien avant la construction du théâtre.
Le théâtre du Létôon dont une partie a directement été réalisée dans le rocher
Après avoir traversé à nouveau l'esplanade des temples, la vue se porte sur le nymphée romain construit également au IIème siècle av. J.-C. Un portique semi-circulaire, agrémenté d'une colonnade, encadrait le bassin.
Une salle de taille importante avait été créée au centre du portique, à l'intérieur de laquelle, au vu de l'inscription trouvée sur place, trônait une statue de l'empereur Hadrien adulé dans de nombreuses régions grecques ou héllénisées visitées durant son règne.
Vue partielle du secteur du nymphée romain du Létôon
Dans le précédent article était évoquée l'importance des découvertes épigraphiques faites par la mission archéologique française qui oeuvre là depuis 1962.
Sur de nombreuses pierres, des textes en lycien, parfois doublés en grec, permettent de découvrir les us et coutumes de ceux qui ont foulé cette terre il y a si longtemps.
Un livre d'histoire écrit sur les pierres du Létôon
Au pied de la falaise surplombant le site, le monument Arrountti, du nom d'une puissante famille avant vécu au IIème siècle de notre ère, apporte également, au fil des années de fouilles, des informations écrites sur cette période de l'histoire du Létôon.
Une partie du monument Arrountti dont certains éléments racontent l'histoire de la famille
Il va sans dire que de nombreux paragraphes seraient encore nécessaires pour décrire beautés visibles ou à demi-cachées qu'offre ce lieu extraordinaire au passé prestigieux.
Les travaux réalisés sur place par la mission archéologique française depuis près de 50 ans tendent, ces dernières années, à miser sur la restauration - en particulier du temple de Léto - et sur l'aménagement et l'embellissement des lieux.
Tête de lion sculptée sur un des blocs du temple de Léto
Si de nombreuses années de travail sont encore nécessaires pour transformer l'aspect visuel du Létôon en un décor encore plus magique qu'il ne l'est déjà, chaque visiteur peut, pour l'heure, aisément user et abuser de son imagination pour faire revivre ce sanctuaire grâce au charme qu'il dégage.
Source : Guide de Xanthos et du Létôon de Jacques des Courtils - éd. Yayınları