22 Octobre 2008
Lors du Festival des Mains d'or sur la place de Taksim en août dernier auquel j'ai consacré un article, j'ai fait la connaissance de Mehmet Bedel, venu de Burdur près d'Isparta dans le sud de la Turquie, qui fabrique des sipsi depuis plus de 20 ans.
Le sipsi est un instrument à vent qui s'apparente à la clarinette. Il est originaire d'Asie Centrale mais à quelle période exactement a-t-il apparu, nul ne le sait vraiment. On en trouve actuellement des semblables au Türkmenistan, en Iran et en Mer Noire.
La commune de Altınyala près de Burdur est "la capitale du sipsi". Les plus célèbres musiciens qui manient cet instrument viennent là pour y jouer. Séduit par les sons du sipsi, Mehmet se met à en jouer et apprend tout seul à en fabriquer.
Cet instrument est réalisé avec des branches de prunier ou de genévrier. Exigeant sur la qualité, Mehmet choisit lui-même les branches qu'il utilise. Elles doivent être droites et dures comme des crayons à papier.
Le sipsi est composé de deux parties : le corps qui mesure 15 à 25 cm et l'embout de 4 à 5 cm. De cinq à huit trous sur le corps et un près de l'embout donneront la sonorité ; ces ouvertures sont réalisées à l'aide de tournevis enflammés.
Selon le diamètre, les sons diffèrent ; plus il est fin, plus les notes seront aiguës. L"air expiré et l'utilisation des doigts vont également influer sur les sons. Il y a une octave d'intervalle sur un sipsi.
La fabrication d'un exemplaire nécessite environ une journée de travail entre la préparation du bois, le façonnage et les essais d'accords, particulièrement longs. Parfois même, un instrument ne donne absolument pas le résultat escompté et atterrit à la poubelle au bout d'une journée de travail inutile.
Le prix de vente d'un tel instrument varie entre 100 et 200 ytl (soit 50 à 100 €).
Mehmet Bedel fabrique également plusieurs sortes de flûtes telles que les çoban kavalı, les flûtes de berger, faites en roseau du sud de la Turquie, des régions d'Antalya ou de Fethiye.
Il confectionne aussi des ney, les flûtes des mystiques utilisées dans les confréries de derviches tourneurs. Celles-ci mesurent de 70 à 75 cm de long et sont réalisées en roseau et l'embout est en ébène. D'ailleurs, son nom vient du persan qui veut dire roseau.
Mehmet est employé au musée archéologique de Burdur. Parallèlement, il a aménagé un petit atelier d'où sort sa production réalisée avec ses deux fils à qui il a transmis sa passion de la musique. Le plus âgé joue du zurna (clarinette), du ney et du kaval (sorte de flûte) et plus jeune a commencé le kaval.
Le talent de Mehmet Bedel est reconnu au-delà des frontières de la Turquie et il envoie régulièrement des commandes en France, en Allemagne, en Suède et même... au Japon.
Il fait également partie du groupe musical Yarenler qui se produit lors de différentes manifestations dans sa région. Si un jour vous vous promenez du côté de Burdur, vous entendrez sûrement le son typique du sipsi, instrument de musique du folklore de ce coin du pays.