20 Octobre 2008
Derrière le somptueux portail qui donne sur Istiklal Caddesi à Istanbul, se trouve un bâtiment historique dans un écrin de verdure, le prestigieux lycée de Galatasaray.
Le sultan Beyazıt II l'a fait construire en 1481 dans des conditions particulières.
Chassant sur les hauteurs de Galata, il découvre un jardin parfaitement entretenu au milieu duquel se trouve une cabane en piteux état.
Le buste de Beyazıt II dans l'allée après l'entrée
Le vieil homme qui habite ces lieux est en train de tailler ses roses et invite le souverain à visiter son jardin.
En guise de remerciement, le sultan lui demande de faire un voeu qu'il exaucera.
L'homme souhaite que soit construit ici une école et un hospice (darüşifa).
C'est ainsi que "L'Ecole Impériale de Galata Saray" (le palais de Galata) voit le jour. Gül Baba ("le père à la rose", surnom donné au vieillard) est d'ailleurs enterré dans son jardin, à l'arrière du lycée, et c'est sans doute le plus bel honneur qu'on ait pu lui rendre.
La tombe de Gül Baba
La mission de cet établissement était à l'origine de former et d'instruire les futurs cadres administrant le Palais. Le sultan lui-même y sera formé, au même titre que le personnel de confiance de l'administration ottomane.
En 1675, à la suite d'un soulèvement contre les autorités en place, les élèves les plus doués sont envoyés au Palais, les autres... intégrés dans des unités de cavalerie. L'école reste fermée durant dix ans. A sa réouverture, elle reprend sa mission initiale jusqu'après 1820 où elle devient une école de médecine et un quartier militaire.
Durant les décennies suivantes, l'Empire ottoman cherche à s'occidentaliser au maximum. Cette école va servir de tête de pont aux réformes du Tanzimat ("réorganisation" en turc ottoman) qui vont s'étaler de 1836 à 1876.
Le 1er septembre 1868, lors d'une cérémonie présidée par le sultan de l'époque Abdül Aziz, l'établissement devient "Lycée Impérial Ottoman" (Mekteb-i Sultanı) et les programmes dispensés sont calqués sur ceux des lycées français grâce aux efforts de Cemil Paşa, ambassadeur turc en France et Fuad Paşa, Ministre des Affaires étrangères.
L'école accueille des élèves âgés de 9 à 12 ans, de confessions différentes (des musulmans, des catholiques, des orthodoxes et des juifs). Selon leur niveau de connaissance du français et du turc, ils intègrent des classes préparatoires au lycée.
Salle de classe en plein mois d'août 2008
En 1908, le directeur Tevfik Fikret instaure un cycle complet d'enseignement de 9 ans comprenant le primaire, le collège et le lycée. En plus des cours obligatoires, on peut y apprendre différentes langues tels que le persan, l'arménien, l'allemand,... et suivre des cours de violon et de piano.
Bibliothèque
En 1924, l'établissement prend le nom de "Lycée de Galatasaray" et les cours dispensés sont en harmonie avec les principes de la toute nouvelle République Turque instituée le 29 octobre 1923. Il n'est plus obligatoire de parler français durant les récréations et les cours de culture générale sont dispensés en turc.
Le lycée accepte ses premières élèves féminines en 1965 ; elles suivront les cours dans des bâtiments situés à Ortaköy, au bord du Bosphore ("Feriye Sarayları"), qu'Atatürk a alloué à Galatasaray au début des années 30.
Terrain de football du lycée
Lors des festivités données en 1968 pour le 100ème anniversaire de la création du Lycée Impérial, le Président de la République Française Charles de Gaulle visite le lycée. En 1975, l'établissement entre dans la catégorie des lycées dits "anatoliens", avec un cycle complet d'enseignement de 8 ans.
Enfin, le 14 avril 1992, naît "l'Etablissement d'Enseignement Intégré de Galatasaray" (E.E.I.G., en turc G.E.Ö.K.), qui réunit l'école primaire, le lycée et l'université, suite au protocole signé entre François Mitterrand, Président de la République Française, et Turgut Özal, huitième Président de la République de Turquie.
A l'heure actuelle, les cours de littérature, de géographie, d'histoire, de moralité et d'art sont dispensés en turc. Par contre, la littérature française, la philosophie, la sociologie, les mathématiques et les sciences le sont en français. On apprend l'anglais à partir de la 6ème classe du cycle primaire, l'italien et le latin au lycée.
Le diplôme délivré à la sortie du lycée est l'équivalent du BAC français et les diplômés de Galatasaray sont admis dans les universités françaises sans être obligés de passer un nouvel examen.
Tant le lycée que l’université de Galatasaray sont à ce jour « la référence » en matière d’enseignement du français à Istanbul, même si d’autres établissements d’excellent niveau enseignent également la langue de Voltaire.
Durant ces 85 dernières années, deux Premiers Ministres, huit Ministres, de nombreux hauts fonctionnaires de l'Etat mais également des Académiciens, des juges, des écrivains, des médecins, des architectes, des ingénieurs, des journalistes, des artistes sont des "Anciens" de Galatasaray.
Les bustes de tous les personnages qui ont marqué l'histoire du lycée de Galatasaray
Je souhaite remercier au passage Levent Demirciğil, ancien élève de Galatasaray, qui m'a fait visiter ce lieu chargé d'histoire et dont les roses du jardin ont le parfum et le raffinement de la cour ottomane.
Le portail donnant sur Istiklal Caddesi