13 Juillet 2008
Après avoir publié récemment mon billet sur Pierre Loti, je n’ai pu m’empêcher de relire son œuvre la plus connue, Aziyadé.
Extrait :
Nous traversons en courant Sali-Bazar (Salı pazarı), Tophané (Tophane), Galata. Nous voici au pont de Stamboul. La foule se presse sous un soleil brûlant ; c’est bien le printemps, pour tout de bon, qui arrive comme moi je m’en vais. La grande lumière de midi ruisselle sur tout cet ensemble de murailles, de dômes et de minarets, qui couronnent là-haut Stamboul ; elle s’éparpille sur une foule bariolée, vêtue des couleurs les plus voyantes de l’arc-en-ciel.
Les bateaux arrivent et partent, chargés d’un public pittoresque ; les marchands ambulants hurlent à tue-tête, en bousculant la foule.
...Nous nous arrêtons à Stamboul, sur la grande place de Jeni-djami, devant la mosquée. Pour la dernière fois de ma vie, je jouis du plaisir d’être en Turc, assis à côté de mon ami Ahmet, fumant un narguilhé au milieu de ce décor oriental.
La mosquée de la Valide et la Jeni Djami ne font qu'une
Ce roman quasi biographique paraît en janvier 1879. C'est le premier livre d’un jeune marin rochefortais : Aziyadé, Stamboul 1876-1877. L’auteur, Julien Viaud, n’est pas encore Pierre Loti. Mais la Turquie est déjà sa « seconde patrie », et l’amour pour Aziyadé une passion.
On a beaucoup écrit sur cette femme mystérieuse, sur l’impossibilité pour une musulmane de harem d’avoir eu pareille aventure amoureuse avec un chrétien de passage.
Loti croise trois ans plus tôt la route de celle qui donne le titre à son livre. Cette jeune femme circassienne appartient au harem d’un riche vieillard d’Istanbul. Elle rencontre d’abord le jeune officier à Salonique ; un amour interdit et impossible commence alors. Loti lui promet d’attendre son retour en Turquie puisqu’il doit s’y rendre.
Avec ce livre, on plonge dans le quotidien d'Istanbul, on y retrouve les bruits, les couleurs, les odeurs, le pouls de la ville. L'auteur y décrit ces quartiers que je connais bien, Foundoucli (Fındıklı), Eyoup (Eyüp) et Fanar (Fener).
Le récit se déroule sur fond historique et politique : le sacre tumultueux du sultan Abdülhamid, la crise des Balkans, le traité de San Stefano qui met la Turquie hors du territoire européen (!). Le turcophile Loti réussit à l'époque, avec cet ouvrage, à retourner l'opinion occidentale en faveur des turcs...
Les caïques et les bateaux au temps de Loti
La fin de l’histoire est presque l’entière et triste vérité ; quand Loti reviendra à Istanbul dix ans plus tard, il y apprendra qu’Aziyade est morte d’amour, ne pensant jamais le revoir. Sauf que l’auteur ne mourra pas au combat comme dans son livre…
Second extrait :
Aziyade te fait dire qu’elle ne vit pas sans toi ; qu’elle ne voit pas le moment de ton retour à Constantinople ; qu’elle ne croit pas qu’elle puisse jamais voir tes yeux façe à face et qu’il lui semble qu’il n’y a plus de soleil.
Reproduction du livre "La maison de Pierre Loti à Rochefort"
Loti dans le salon turc de sa demeure rochefortaise
Ce roman fait l’objet d’une suite titrée : Fantôme d’Orient paru en 1892.