26 Mai 2008
J’ai appris cette nouvelle samedi matin alors que je prenais mon petit déjeuner sur ma terrasse, décidée à feuilleter quelques uns des derniers exemplaires quotidiens du journal Gaste distribué gratuitement dans les rues d’Istanbul depuis quelques semaines (un régal, une mine d’informations en tous genres !).
Un article attire mon attention et dit « Fanny Ardant, rencontre avec les amateurs de théâtre istanbouliotes »
Ce grand nom du cinéma et du théâtre français symbolise pour moi le raffinement, la grâce exquise et la féminité.
Je vais tenter ma chance pour décrocher une interview destinée à « Aujourd’hui la Turquie ».
Fanny Ardant vient interpréter deux soirs seulement la pièce inspirée de l’oeuvre de Marguerite Duras « La Maladie de la Mort » interprétée au théâtre de la Madeleine à Paris 30 fois à guichets fermés. Ces représentations ont lieu au « Ses – 1885 Ortaoyuncular Tiyatrosu », « Le Théâtre de la voix 1885 », dans le cadre du 16ème festival international de théâtre d’Istanbul qui se tient du 16 mai au 4 juin.
L'affiche du festival omniprésente
34 pièces différentes, turques, allemandes, françaises, italienne, lituanaise, danoise et croate, un film, des rencontres, le tout ayant lieu dans 18 lieux différents de la ville, la plupart dans mon arrondissement de Beyoğlu, centre névralgique culturel d’Istanbul.
C’est véritablement dans une ville culturelle que je vis et qui n’a rien à envier aux plus célèbres capitales européennes. Son pouls bat très vite, elle est pleine d'énergie, d'idées !
Je me rends au siège de la fondation d’art et de la culture d’Istanbul à 10 mn à pieds de chez moi pour plaider ma cause, les deux derniers exemplaires du journal sous le bras.
Cela commence mal, il n’y a plus de billets mais .... on me propose de revoir la question cet après-midi en fonction d’éventuels désistements. Personne en ce samedi matin dans le bureau des relations avec la presse.
Je conviens de revenir en début d’après-midi et là, premier pas, une place vient de se libérer... que je m’empresse d’acquérir. L’interlocutrice attendue n’est pas là mais une charmante employée, connaissant le journal et étudiant le français à l’université de Galatasaray, s’empresse d’appeler la responsable des relations publiques et me la passe au téléphone.
Il ne reste plus qu’à attendre dimanche matin pour en savoir plus, les chances étant infimes.... et la quantité d’interviews demandées énorme !
Il est presque midi ce dimanche et je ne suis pas loin de la fondation. Autant aller voir directement sur place ce qu’il en est. Je rencontre une des responsables qui a rencontré hier soir Fanny Ardant après son arrivée à Istanbul et elle m’explique que seule une conférence de presse est prévue avec un cercle très restreint d’heureux élus. Madame Ardant ne semble pas, à ses dires, très portée sur ce genre de rencontres encore moins à titre individuel.
Je n’ai donc pas eu le plaisir de lui parler directement mais j’ai pu la voir sur scène hier soir.
Une foule dense sur Istiklal, comme d’habitude, voici l’entrée du Halep Pasajı dans lequel se trouve entre autres un cinéma… et le Ses Tiyatrosu.
Construit en 1885 par l’architecte Campanaki, ce théâtre est le plus ancien d’Istanbul encore en activité. Doté de 48 loges et 554 places, il a du charme avec son plafond doré, son nazar boncuk accroché en haut du rideau rouge qui cache la scène. La loge n° 1 porte le nom de l’architecte et la loge n° 12, dans laquelle je me retrouve, celle de Neyyire Neyir, née en 1903 et décédée à l’âge de 43 ans, première actrice turque à être montée sur scène.
Un décor dépouillé composé d'un lit couvert de blanc, une petite table sur lequel une bouteille de vin et un verre attendent. Fanny Ardant surgit doucement de l’ombre, seule actrice de la pièce, un couteau à la main. Elégante, fine et belle dans sa robe noire et ses talons anguille, elle entame le récit de l’homme atteint par la Maladie de la Mort. Une heure durant à alterner trois rôles, celui du narrateur, de l’homme malade et d’une prostituée.... Cet homme n’a jamais regardé une femme, n’a jamais aimé, n’a jamais désiré et il paye durant plusieurs nuits une prostituée qui vient dans sa maison… en face de la mer noire, noire de couleur, mer allusion aussi à la mère... Cette femme ne parle presque pas mais comprend rapidement qu’elle a affaire à la Mort et elle partira avant que l’homme malade ne la tue comme il aurait une nuit eu envie de le faire…
Le texte est à la fois simple et puissant ; on parle de la vie, de la mort, de l’amour, du désir, du sexe… Fanny Ardant est prodigieuse dans ce rôle qui lui va comme un gant. Elle épouse les personnages, tour à tour douce putain presque philosophe, homme rongé par la mort.
Le rideau tombe, 3 rappels où l’actrice salue le public en souriant, les mains contre son corps, merci Madame pour ce grand moment !
Les photos intérieures sont de qualité très médiocre mais étant en principe interdites, je ne voulais prendre le risque de prendre les rares clichés au flash.