J'ai entendu parler la première fois de cet endroit inhabituel en consultant une revue Atlas. La photo de couverture montrait un village partiellement englouti situé au bord de l'Euphrate dans le département d'Urfa.
Avril 2005, me voici avec ma fille et une amie, sac à dos, à la découverte d'Halfeti. En provenance d'Urfa, un mini-bus nous conduit d'abord à Birecik.
En attendant de continuer notre route, un petit tour du côté de la citadelle toute proche des arrêts de bus.
Comme dans toutes les villes turques, Birecik grouille de vie. Les enfants sortent de l'école, les anciens papotent tandis que les marchands de rue s'affairent.
Une heure et 40 kms de mini-bus plus loin, la route serpente le long du fleuve couleur émeraude et descend vers l'ancien village d'Halfeti. En 2000, le barrage de Birecik, construit dans le cadre du G.A.P. (Programme Anatolie du Sud-Est) a submergé partiellement le magnifique village d’Halfeti.
Par endroits, le niveau de l’eau est monté de 40 à 60 m par rapport à son niveau initial, imaginez !

A la mairie d’Halfeti, dans laquelle nous nous retrouvons autour d’un thé avec l’ensemble du personnel municipal, y compris les pompiers et les deux policiers, nous recevons les premières explications. Des photos prises bien avant la construction du barrage montrent les rives de l’Euphrate où les oliviers, les pistachiers, les grenadiers et les jardins, tous érigés au bord de l’eau, étaient nombreux et abondamment porteurs. On y trouvait aussi la fameuse rose noire qui tend à présent à disparaître.
La mosquée a les pieds dans l’eau à présent. Elle n’est plus utilisée comme lieu de culte mais sert partiellement d’école.
Capitaine Mehmet Siyahgül (rose noire), dispose de plusieurs bateaux à moteurs. Un de ses fils nous emmène dans l’un d’entre eux, durant 3 heures, pour découvrir la partie plus haute du fleuve.

Le père et le fils
La nature qui nous entoure est magnifique : le vert se mélange avec les couleurs de la pierre, des oiseaux dont les cris viennent rompre le ronron du moteur du bateau. Rumkale, tout d’abord, à une demi-heure de bateau d’Halfeti. Cette citadelle, d’une surface de 3500 m2, a été fondée en 885 avant Jésus-Christ par le roi assyrien Salmaneser III sur un des points les plus élevés de toutes les falaises rocheuses du coin. Avant la souveraineté de l’empire ottoman, durant toutes les périodes de l’histoire de la région, elle servait de point de contrôle stratégique à tous les mouvements des environs.

De l’autre côté de la rive, à environ 3 kms de là, le village-fantôme de Savaşhan. Une apparition hors du commun quand on aperçoit au loin le minaret de la mosquée qui sort de l’eau !
Trois familles habitent encore dans leurs maisons de pierre aux couleurs de miel, ils n’ont pas voulu partir. Finalement, ils devraient quitter les lieux un mois plus tard, le village n’étant plus accessible que par la voie fluviale. Un projet de village de vacances est à l’étude, a-t-il été réalisé depuis ?

En revenant vers Halfeti, on ne se lasse pas d’admirer la vue qui s’offre à nous. Toutes les maisons ont une vue sur l’Euphrate qu’on dit nerveux et sauvage, contrairement au Tigre réputé comme un fleuve « tranquille ».
Les 2/3 des villages des environs sont peuplés de kurdes. Les habitants dont les propriétés ont été englouties ont été indemnisés par l’Etat. Ils ont du quitter leurs habitations, relogés dans des maisons sans âme construites par l’administration dans le nouvel Halfeti à une dizaine de kilomètres de là, sur les hauteurs.

C’est dans l’une d’entre elles que nous nous retrouvons le soir, invitées par capitaine Mehmet à partager le poisson grillé pêché dans les eaux de l’Euphrate. Moment de bonheur, de partage où l’on fait connaissance avec tous les enfants du couple…
Ayşegül, la femme de Mehmet et 3 de leurs 8 enfants

5 filles et 3 garçons composent la famille de Mehmet
Halfeti, özledim seni, yakında görüşürüz ! (Halfeti, tu me manques, à très bientôt !)