4 Mars 2019
Article publié dans le No 228 (mars - avril - mai 2019) de la revue "Le Monde de la Bible"
En apprenant que j’allais à Mardin, Sébastien de Courtois, ancien correspondant du Monde de la Bible et maintenant directeur de l’Institut français d’Ankara, m’a conseillé de visiter Dara, à une trentaine de kilomètres de là. Déjà connue pour ses savons, la cité est devenue le dernier must touristique de cette belle région de Mésopotamie, à la limite du Tur Abdin et de la Syrie. Aucun transport en commun ne permettant de s’y rendre seul, il faut louer les services d’un taxi ou une voiture.
Avant l’entrée du village qui a fait l’objet, à partir du Ier siècle, de maints échanges entre l’Empire romain et la dynastie perse des Sassanides et qui fut choisi par l’empereur byzantin Anastase Ier comme base principale de garnison, se profilent dans le paysage de curieuses travées de 50 m de long, 4 m de large et 18 m de haut : ce sont les réservoirs de distribution d’eau, transportée depuis les collines sises à 4 km au nord et distribuée par des canaux aux bâtiments et aux citernes citadines.
Une cité à l’histoire mouvementée
Un peu plus loin, le point d’orgue de la visite, la fameuse nécropole, des tombes sculptées dans la roche des collines, entourée d’un simple grillage et dont l’accès est libre.
L’histoire de Dara est mouvementée ; dominée tour à tour par les Byzantins, les Sassanides, les Romains, les Arabes, les Seldjoukides et les Artukides, la ville fut finalement détruite par les Ilkhanides entre 1251 et 1259. Le village actuel, fondé à la fin du XVIIIe siècle sur les vestiges de la digne ville romaine, fait l’objet de fouilles depuis 1986 par le musée de Mardin.
Revenons à la nécropole où trois types de tombes sont visibles : celles taillées dans la roche (VIe siècle) – les morts sont censés renaître en l’honneur du dieu Mithra, né d’un rocher dans les cultes païens et mithraïstes –, des sarcophages (VIe-VIIIe siècles) et de simples tombes à ciste (VIIIe-XIVe siècles). Converti au christianisme, le peuple n’avait pas perdu ses convictions païennes et fait perdurer le paganisme.
Pour les Romains, les structures des sarcophages sont façonnées sur la base de la croyance que ceux-ci sont des lieux d’habitation et de protection de l’âme pour la vie après la mort. Avec l’expansion du christianisme, les tombes simples deviennent plus populaires.
La passerelle aménagée à l’intérieur de la grande galerie des catacombes permet d’avoir une vue plongeante sur des ossements recouverts de vitres.
Dans le village, une pancarte indique la direction de la superbe église-citerne en pierres de taille qui conserve sa splendeur malgré l’annexion de bâtiments, dont la maison construite sur la citerne… Puis, plus loin, il s’agit de chercher les trois ponts visibles sur les quatre érigés en pierres de taille avec des arches au-dessus du ruisseau Dara traversant le village. Tenter de trouver le cours d’eau est peine perdue, celui-ci étant à sec, de même qu’interroger les rares âmes à l’horizon, celles-ci ne semblant pas connaître les trésors du coin…
Eglise-citerne de Dara
Se fier à son flair et s’orienter d’après le plan sommaire à l’entrée de la nécropole finit par donner des résultats. Après avoir fait plusieurs fois demi-tour, les fameux jolis petits ponts ainsi que la grande rue pavée de l’agora parallèle au cours d’eau et une partie des 4 km de murailles datant des règnes d’Anastase Ier et de Justinien Ier s’offrent à nos yeux.
Le temps manque pour aller à la recherche des autres pans de muraille, des fonts baptismaux, du tombeau de style baldaquin et des autres citernes de Dara, ce sera pour une autre visite…