15 Novembre 2016
ou l'histoire romancée de Michel-Ange, invité à Constantinople par le sultan Beyazit II pour concevoir un pont enjambant la Corne d'Or...
Venu de Rome où il laisse en chantier la réalisation d'un tombeau commandé de son vivant par le pape guerrier et mauvais payeur Jules II, l'artiste arrive dans le port de Constantinople le 13 mai 1506. Il y restera un mois et demi durant lequel il s'aventure finalement peu en ville et où il fait néanmoins des rencontres perturbantes.
Durant son séjour, il craint les représailles du Saint-Siège, voire l'excommunication pour avoir accepté l'invitation de celui qui règne sur l'empire ottoman de 1481 à 1512. Avant Michel-Ange, Léonard de Vinci a été mandaté pour la même mission mais les plans présentés n'ont pas convaincu le sultan qui les a refusés.
La base de l'histoire de Mathieu Enard est bien réelle. Ascanio Condivi, le biographe et ami de Michel-Ange, tout comme Giorgio Vasari, peintre architecte et écrivain toscan, évoquent l'invitation de Beyazit II. Les lettres de l'artiste à son frère et à l'ingénieur florentin Giuliano de Sangallo, mentionnées dans le livre, existent bien.
Dans la bibliothèque apostolique du Vatican se trouvent les plans de Sainte-Sophie adressés à Michel-Ange par Sangallo. Cet édifice l'a profondement marqué, notamment sa coupole tout comme celle de la mosquée de Beyazit ; il s'en s'inspirera d'ailleurs pour réaliser le dôme de la basilique Saint-Pierre de Rome.
Les vies de Beyazit II, de son vizir Ali Pacha et de son page génois Menavino (Falachi dans le roman) sont largement relatées dans de nombreux documents et écrits.
Dans les archives ottomanes a été récemment découverte l'esquisse du projet de pont sur la Corne d'Or effectuée par Michel-Ange ainsi que l'inventaire des biens personnels qu'il a laissés dans sa chambre d'Istanbul en repartant en secret pour l'Italie une nuit de fin juillet ou début août 1506.
Le tremblement de terre qui a frappé Istanbul en 1509 provoque d'importants dégâts. Des milliers de morts sont à déplorer, 109 mosquées dont celle de Beyazit ainsi que l'hospice attenant destiné aux pauvres et une importante partie du complexe de ladite mosquée sont détruits, de même que 1070 maisons.
L'enduit recouvrant les mosaïques byzantines - restées intactes - de Sainte-Sophie tombe et révèle les portraits des évangélistes.
Les piles, la butée et les premières arches du pont de Michel-Ange, affectées par les secousses, s'effondrent et sont emportés par les eaux vers le Bosphore pour disparaître à tout jamais.
Quant au reste du roman, il s'agit d'une histoire qui évoque la ville-monde dans laquelle l'italien va évoluer quelques semaines, la rencontre d'un homme de la Renaissance avec les beautés de l'univers ottoman. L'écrivain dresse également le portrait d'un artiste au travail, en quête d'idées de création.
Ce livre publié en 2010 reçoit le Premier Goncourt des Lycéens en novembre de la même année et en 2012 le Prix Littéraire NDS Istanbul pour sa traduction et sa publication en turc.
L'écrivain qui a effectué de longs séjours au Moyen-Orient, a rendu là un bel hommage aux échanges entre la Sublime Porte et l'Occident, tout comme l'artiste qu'il évoque et dont le voyage à Istanbul va rester imprégné et l'influencer, tant en peinture qu'en architecture.