Faire connaître la Turquie et ses habitants avec les yeux d'une alsacienne qui y vit depuis 20 ans.
18 Août 2009
Il subsiste quelques belles mosquées en bois en Turquie, comme celle du village de Kasaba près de Kastamonu. Mais la plus remarquable est assurément la mosquée Eşrefoğlu de Beyşehir.
Située à quelques dizaines de mètres à peine du bord du lac, en face du superbe marché couvert qu'on aperçoit de loin, cette mosquée a été construite entre 1296 et 1299 durant le sultanat seldjoukide de Roum par l'émir Süleyman Eşrefoğlu, alors administrateur de la ville.
Elle repose en fait sur les bases d'une mosquée érigée en 1134 par le sultan seldjoukide Sancar.
Vue arrière de la mosquée, du parc donnant sur la rive du lac
L'émir Süleyman Eşrefoğlu, son épouse ainsi que son fils, reposent tous les trois dans le türbe au dôme pointu, construit en 1301 et contigu à la mosquée.
Les sépultures de la famille Seyreddin Süleyman Esrefoğlu
La porte monumentale de pierre reflète bien le style seldjoukide de l'époque.
Dès la porte franchie, une autre apparaît, celle d'origine, massive et impressionnante, superbement ouvragée.
Deux signatures y figurent au-dessus du loquet, en haut celle d'Ameli, l'ouvrier et en-dessous, celle d'Isa, le maître de cette oeuvre.
Une seconde entrée voûtée, toute de faîence, permet d'apercevoir la merveille...
48 colonnes de cèdre, provenant des proches montagnes du Taurus, supportent une charpente de bois.
La hauteur moyenne sous plafond est de 7,50 mètres et donne ainsi une idée du volume de cette mosquée.
Les travées, de même que les extrémités des poutres, sont revêtues de peintures, dont certaines n'ont guère eu besoin d'être restaurées à ce jour.
Ces peintures et décorations sont d'origine
Le haut des colonnes est également délicatement ouvragé et décoré de motifs peints.
La mosquée Eşrefoğlu est la plus grande et la plus somptueuse de ce type en Turquie.
Vue d'ensemble de l'étage
Au milieu de la mosquée se trouve un kar deposu, un "dépôt à neige" unique au monde. On y entassait de la neige durant l'hiver afin de permettre au bois d'être humidifié lorsque les poêles fonctionnaient. Ce dépôt a été utilisé jusqu'en 1941.
En avant-plan, le kar deposu
Au fond de la mosquée, à droite, une ravissant tribune de bois était utilisée pour prendre la parole lors de la prière ou de réunions dirigées par l'émir ou le sultan.
Le mihrab, d'une hauteur de 6 mètres, est constitué de magnifiques faïences bleues et blanches.
Il faut savoir qu'à l'époque de sa construction, il existait un atelier de faïencerie à Beyşehir, proche du palais de la ville dont il subsiste seulement une porte à ce jour.
Le minbar, situé tout à côté du mihrab est, pour sa part, tout en noyer. Là encore, sa beauté laisse bouche bée tant l'ouvrage est somptueux.
Les deux signatures d'Isa, le maître et d'Ameli, l'ouvrier, s'y trouvent à nouveau, dans le haut de l'encadrement.
Au-dessus du mihrab et du minbar, la coupole, elle aussi en faïence !
Cette mosquée ressemble presque à un musée tant la magnificence est au rendez-vous.
Depuis 5 ou 6 ans, on peut estimer le nombre de visiteurs annuels à 100 000 dont 20 % seulement sont étrangers.
Je voudrais remercier İsmail Efe, l'imam d'Eşrefoğlu camii, pour les explications et le temps qu'il a bien voulu me consacrer lors de mes trois visites sur place durant mon récent séjour.
J'attends avec impatience l'édition prévue en principe au printemps prochain, de son livre d'histoire consacré à cette mosquée qui m'a séduite tout particulièrement.
En compagnie d'İsmail Efe, le sympathique imam d'Eşrefoğlu camii
Un tel chef d'oeuvre d'architecture mérite, à mon avis, d'être bien plus connu qu'il ne l'est et de figurer au Patrimoine Mondial de l'Unesco.