Faire connaître la Turquie et ses habitants avec les yeux d'une alsacienne qui y vit depuis 21 ans.
12 Septembre 2008
La journée s'annonçait pourtant belle ce matin-là à Aşağı Aydere Köyü. Rien ne laissait présager que le ciel s'abattrait sur nous quelques heures plus tard, mais en altitude le temps peut changer si vite.
J'avais hâte de retourner dans les alpages des türkmen à une bonne heure de route à pied du village. Les tirages papier des photos prises l'an passé étaient prêts. Lorsque nous sommes partis, nous avons décidé d'emmener des parapluies...
Ciel gris dans les yayla
Parfois les sentiers sont tracés, à d'autres moments c'est à travers champs qu'il faut passer. Quelques hommes fauchent encore, en cadence, avant que la pluie n'arrive. Il ne s'agit pas de perdre le rythme car un accident est vite arrivé. Le tempo est parfaitement orchestré.
Des nuages noirs viennent assombrir le ciel, il faut marcher plus vite.
Heureusement que nous arrivons dans les alpages car la pluie commence à tomber, quelques gouttes éparses d'abord.
Une dernière pente à dévaler avant de foncer dans la première épicerie d'un des trois villages türkmènes qui ont ici leur alpage estival.
La jeune Burcu s'empresse de nous préparer un thé pour nous réchauffer car la température a dégringolé avec l'humidité ambiante. Les gouttes de pluie se font entendre au-dessus de nos têtes et il faut isoler au mieux les toits pour éviter les infiltrations, tant des trombes d'eau s'abattent en quelques minutes, transformant en gadoue bien glissante les chemins des alentours.
Une jeune fille arrive, trempée ! Même si je ne connais pas son nom, je la reconnais immédiatement pour l'avoir photographiée l'an passé. Elle s'appelle en fait ... Yağmur et porte bien son nom... Elle aussi se souvient de moi et aussitôt nous fouillons dans les photos pour trouver celles qui la concernent ainsi que ses soeurs.
Burcu et sa casquette ainsi que la charmante Yağmur
La pluie ne semble pas vouloir cesser, nous allons donc faire quelques pas de deux sans tomber pour chercher la maison de Birgül, autre charmante jeune fille qui nous avait accueillis l'an passé avec une gentillesse extrême.
Yağmur nous y emmène directement, ici tout le monde se connaît. Quel bonheur de revoir Birgül et son sourire permanent aux lèvres. Elle nous présente son fiancé... que nous ne connaissions pas encore et dont la gentillesse identique à celle de sa bien-aimée transpire au premier contact.
Öskan, le fiancé, la maman de Birgül et cette dernière
La maman de Birgül nous prépare du thé et de l'ayran. Si la pluie ne devait s'arrêter, nous trouverions refuge ici pour la nuit sans souci. C'est un grand bonheur de revoir ces personnes qui nous ont ouvert leur maison l'an passé avec simplicité et chaleur. Birgül m'écrase presque les doigts durant ces minutes passées ensemble, main dans la main, heureuses de nous retrouver.
Un petit bout, trempé comme une soupe dans son survêtement rose, vient rejoindre Yağmur, sa petite soeur au nom tout aussi mignon, Damla, la goutte, suivie un peu plus tard par l'aînée, Bahar, le printemps, un trio féminin des plus attachants.
Il est difficile de partir mais une autre visite nous attend. C'est promis, je reviendrai encore passer plus de temps avec mes petites copines des alpages.
Enver retrouve avec joie Kazım bey avec qui il a passé beaucoup de temps dans son enfance. Une belle moustache, le béret sur la tête comme il se doit, il affiche un sourire radieux en compagnie de son adorable épouse.
Il faut quitter les alpages, la route est encore longue et il pleut à présent un peu moins fort. C'était bien trop court, j'aurais aimé passer des heures ici. Le temps semble s'être arrêté, l'air y est différent, il a le goût de l'amitié franche et sincère, comme tant d'endroits en Turquie.
Au moment de partir, une femme attire mon regard. C'est une vieille dame türkmène de plus de 75 ans, au minois attendrissant. Avec sa canne qui la porte, elle me dit "mais je ne te connais pas" lorsque je m'approche d'elle.
Ce n'est pas grave, lui ai-je répondu. Son visage parle pour elle, son regard et son sourire suffisent à m'émouvoir. Elle porte sur elle des foulards resserrés aux bras, autour du cou un pendentif qui marque ses origines! Ah mamie, je te trouve si belle !
Yağmur et Damla nous accompagnent un bout de chemin mais nous les invitons à rentrer chez elles, elles sont déjà tellement mouillées.
Nous pressons le pas et nous éloignons des villages. C'est à ce moment-là qu'en nous retournant une dernière fois, nous voyons arriver vers nous une petite tache rose qui grandit, tant elle court à perdre haleine sous la pluie qui vient de redoubler.
Damla porte dans sa main un petit bouquet de fleurs séchées du coin, Yağmur l'a chargée de me le remettre, en souvenir de notre amitié. Ce sont d'autres gouttes qui tombent alors... Ce petit bouquet très symbolique est bien arrivé à Istanbul et est posé dans la cuisine. Souvent, je le regarde en me disant que finalement le bonheur tient parfois à peu de choses et qu'il faut peu de choses pour être heureux ...